Des deux côtés de la Méditerranée, nous avons tant à faire ensemble - 4 axes à développer pour rapprocher nos jeunesses.


Nous sommes égyptien, espagnol, français, grec, italien, libanais, marocain, palestinien, syrien, tunisien, turc, méditerranéens. Nous sommes jeunes et travaillons dans le secteur privé, le journalisme, l'humanitaire, l'innovation, l'administration publique, la recherche et le droit. 

En 2014, nous avions écrit une première tribune pour appeler à la mise en œuvre d'un agenda positif pour la Méditerranée. En 2017, les crises continuent de l'ébranler.

Les moins de 30 ans représentent 60% de la population de la Méditerranée. Il nous appartient de trouver des réponses concrètes aux défis communs de notre région et de permettre à notre génération de plus en plus connectée au monde d'avoir accès à des perspectives de vie et de carrière sur le long terme. Nous pensons qu'il est nécessaire de se concentrer sur quatre piliers clés au développement de la région.

Renforcer la création d'initiatives et d'entreprises ayant un impact social

Les exemples de jeunes créatifs capables d'améliorer la situation des populations marginalisées ne manquent pas. C'est le cas des mouvements tels que SINGA, MEnt ou encore Techfugees au service de l'intégration socio-économique des réfugiés en France et dans le reste de l'Europe.

C'est une volonté du même ordre que nous avons retrouvée lors de nos récents échanges avec l'Union pour la Méditerranée. Depuis 2008, elle œuvre à l'autonomisation économique et sociale des populations les plus fragiles et réalise un travail de sensibilisation et de renforcement de la coopération régionale autour des défis de la région. C'est le cas de projets tels que "Femmes d'avenir en Méditerranée" qui renforce le leadership de ses bénéficiaires grâce à une formation organisée à Sciences Po Paris, ou encore de "Med4Jobs", dont l'objectif est d'améliorer l'employabilité des jeunes méditerranéens, ou de l'Initiative "Plastic Busters" visant à diminuer les déchets marins en Méditerranée. Préserver l'environnement, renforcer l'égalité homme-femme et la place des jeunes, renforcer la gouvernance démocratique des entreprises souvent vus comme contradictoire avec le profit, et sont pourtant des gages essentiels de durabilité économique et financière.

Améliorer l'employabilité des jeunes en rapprochant leurs compétences des types d'emplois proposés et développer l'accès aux formations

Créer et consolider un écosystème permettant d'insuffler une nouvelle dynamique socio-économique est vital. Mais insuffisant si ne s'y trouvent pas associés de réels instruments de résolution des problèmes structurels de l'emploi dans les pays de la région.

Aujourd'hui, les formations universitaires sont encore largement déconnectées des réalités du marché du travail, rendant difficile l'intégration des jeunes diplômés aux tissus économiques nationaux. Il devient donc urgent d'initier des réformes profondes des systèmes éducatifs, mobilisant à la fois les moyens nécessaires et la collaboration entre les Etats.

D'ici 2023, environ 83 millions d'emplois devront être créés pour répondre à la hausse démographique dans la région. Nous ne pouvons plus attendre. L'initiative "YouMatch" de l'Union pour la Méditerranée compte parmi les nombreuses démarches engagées pour répondre au défi de l'employabilité des jeunes. Ces initiatives doivent se multiplier et bénéficier de l'appui des médias comme relais de communication auprès des jeunes, aussi bien en zone urbaine qu'en zone rurale.

Miser sur les PME pour faire que les économies nationales créent de la valeur et des opportunités d'emploi pour leurs populations.

Miser sur les PME productives apporte aux économies nationales de la valeur ajoutée et cultive leurs avantages comparatifs respectifs. Cela dynamise les différents territoires de l'espace méditerranéen, dont l'interconnexion se doit d'aller croissante. La formation professionnelle et la mise à disposition d'informations sur les marchés les plus porteurs constituent des préalables essentiels à la constitution d'entreprises.

Cependant, il est du devoir de l'ensemble des acteurs, publics et privés, d'aider à résoudre le principal mal touchant les PME méditerranéennes: l'accès au crédit. Un fonds méditerranéen de garantie de crédit financé par des cotisations étatiques, sur le modèle de la Banque Africaine de Développement, pourrait sélectionner des entreprises selon plusieurs critères (projets méditerranéens, secteur productif, emploi des jeunes et des femmes, impact social et environnemental), et rembourser les banques prêteuses en cas d'échec du projet. Le système des "prêts d'honneur", qui consiste, pour un collège de personnalités qualifiées, à donner à une banque son opinion favorable au financement d'un projet, est aussi à encourager dans cette perspective.

Favoriser l'émergence d'un solide écosystème d'innovation.

La mise en place d'un contexte favorable aux start-ups et aux PME doit passer par des évolutions dans le cadre législatif et institutionnel national visant à encourager la création et le financement de projets. Au Liban, le Beirut Digital District, inauguré en 2016 et fruit de la coopération entre acteurs privés et pouvoirs publics, héberge des start-ups qui peuvent bénéficier d'une garantie de la Banque du Liban et d'un accès privilégié aux infrastructures, dans un pays où certains services essentiels comme l'accès à l'électricité et internet restent défaillants. Le Jerusalem Innovation Park (IPP) est une initiative visant à créer un cadre d'apprentissage innovant dans les domaines de la science, ingénierie, technologie et mathématiques pour ses étudiants. En matière de R&D, l'International Research Center mis en place par le UK Lebanon Tech Hub est destiné à soutenir des projets de recherche appliquée a démarré ses activités au début de l'année 2017, en y associant des centres de recherches européens et des universités libanaises. Ces exemples sont des illustrations encourageantes de soutien à la R&D et l'innovation, dans des pays et une région où la dépense intérieure en R&D (0,22% du PIB au Liban) reste cependant insuffisante pour constituer un véritable moteur d'un écosystème d'innovation durable et à fort potentiel de croissance.

Nous savons qu'aujourd'hui, la Méditerranée, en dépit des apparences tragiques sous lesquelles elle est malheureusement trop souvent présentée, est un réservoir d'énergies ne demandant qu'à se déployer au bénéfice de tous les citoyens qui peuplent ses rives. Notre souhait est que cet espace soit l'objet d'une prise de conscience : celle de notre devenir commun et la nécessité d'une prise en charge collective des enjeux partagés. La préservation et la mise en valeur de ses économies, ses territoires, son potentiel humain, son patrimoine historique et ses ressources naturelles ne pourra se faire que par la coopération concrète entre les Etats, les organisations internationales, le secteur privé et la participation active de la jeunesse de la région.

Liste complète des signataires: Ines Abdelrazek, Hind Al Aissi, Louis Boillot, Claudia Del Prado Sartorius, Karim El Arnaouty, Nil Eyuboglu, Leonardo Frisani, Petros Konstantinidis, Mael M'Baye, Antoun Meroueh, Lara Younes, Akram Zaoui.

Par Louis Boillot (Économiste, spécialiste des questions climatiques) et Nil Eyuboglu (Engagée dans l'humanitaire pour les réfugiés en Turquie) - Source de l'article Huffpostmaghreb

Aucun commentaire: