Beyrouth devient un forum pour réconcilier les médias et la jeunesse

Atelier sur les médias et l’autorité politique, avec, de gauche à droite, 
le modérateur Ali Sayed Ali, Dana Gibreel, Mohamed Hamuda et Aimane Cherragui

Parmi les faits qui ont marqué les esprits lors des soulèvements populaires dans nombre de pays arabes en 2011, il y a eu cet enthousiasme pour le cyberactivisme et les réseaux sociaux comme relais de l'information citoyenne face à la censure dictatoriale

Les printemps arabes étaient ceux des médias de masse. « Il y a cependant un désenchantement et une grosse déception », évoque dans son débat Ali Sayed Ali, cofondateur du Marathon citoyen. Face à ce dilemme, plus de 80 jeunes du Maghreb et du Moyen-Orient sont venus échanger des idées dans 12 ateliers et 9 présentations, regroupés dans le forum intitulé « Médias et jeunesse en Méditerranée du Sud : Je t'aime moi non plus ? ».

L'Union européenne, en partenariat avec le CFI (Agence française de coopération médias) et la Fondation Samir Kassir, a organisé cet événement dans le cadre de sa stratégie culturelle de coopération avec le voisinage méditerranéen. Le forum a d'ailleurs été ouvert avec l'allocution de la cheffe de la Délégation de l'Union européenne au Liban, Christina Lassen, en présence de Gisèle Khoury, présidente de la Fondation Samir Kassir.

Esprit critique

Le concept de vérité, eldorado journalistique, devient « un problème avec le citoyen qui a une défiance envers les médias », confirme la conseillère au Jordan Media Institute Bayan al-Tall lors de l'atelier « Comment se prémunir contre la désinformation et la propagande ? ». La jeunesse arabe a besoin d'une « éducation aux médias », énonce-t-elle, même si, dans le royaume, il n'y a point de formation intégrée dans les cursus en relation avec les médias. « Les élèves sont habitués aux réseaux sociaux », constate-t-elle, tout en précisant qu'il faut apprendre que certains « supports, comme la vidéo, sont des contenus fabriqués ».

D'autres acteurs de la société civile ont souligné également ce besoin éducatif sur le terrain. Directeur du centre des jeunes Makthar, le Tunisien Badis Belguith a évoqué « la révolution médiatique qui a suivi la révolte populaire, et nous avons été surpris de voir combien les jeunes ont été attirés par la production journalistique ». Il a donc créé un club du journalisme citoyen, en remarquant néanmoins que le « jeune Tunisien est incapable de lire l'information comme il se doit, et qu'il est donc facilement polarisé par les parties prenantes », dit-il. Le directeur a ainsi encouragé les exercices pratiques, comme le montage d'émissions radio avec des invités parlementaires et des politiques avant les élections tunisiennes.

Une solution locale est préconisée à « l'ère post-vérité », déclare amèrement Gino Raïdy, vice-président de l'association March, fondée en 2011 et popularisée par un documentaire sur leur initiative de café de la paix à Tripoli. Cette nouvelle « ère » fait référence aux mensonges ouvertement assumés par l'administration Trump et décrit un processus général où l'opinion prévaut sur l'information. Dans un contexte régional où la plupart des grands médias sont détenus par des firmes ou des familles politiques, « ce qui était l'apanage du monde arabe s'est répandu dans le monde », constate Gino Raïdy.

Face à l'autorité

Toutefois, le maître mot des journalistes est l'action, en particulier pour les jeunes qui ont connu les révolutions. La reporter jordanienne Dana Gibreel fait partie de l'équipe de 7iber, dont le membre le plus âgé a 35 ans, se faisant ainsi porte-parole de la jeunesse : « Je sentais lorsque je couvrais les manifestations de 2011 que les jeunes étaient gênés, ils n'avaient pas l'habitude que l'on parle d'eux », confie-t-elle dans un atelier consacré à l'« Utilisation des médias pour interpeller les autorités ». Des autorités plus que réticentes à s'adresser à des jeunes, souvent traités par les médias traditionnels comme des vulgarisateurs.

Dans un entretien à L'OLJ, la jeune journaliste a évoqué d'ailleurs sa participation à l'initiative multilatérale Open Government Partnership, organisée en décembre 2016 à Paris. Cet événement veut promouvoir la transparence en instaurant un dialogue autorités politiques et ONG. Pour Dana Gibreel, il s'agissait surtout « de rencontrer l'ambassadeur de Jordanie pour lui relayer les problèmes des jeunes qui n'avaient pas trouvé de réponse, or dans un forum international, les officiels sont toujours cléments et ouverts à l'action ». Des propos réitérés dans son intervention et auxquels se sont joints les deux autres intervenants, dont Mohamed Hamuda, directeur de l'association libyenne H2O, en référence à l'eau, élément le plus transparent qui puisse exister.

Pour la transparence et la mise en relation entre le citoyen et le politique grâce aux médias, Aimane Cherragui a présenté un projet original : Nouabook. En référence à Facebook, il s'agit d'une plateforme en ligne sur laquelle plus de 55 parlementaires marocains sont inscrits et peuvent dialoguer directement avec les citoyens, même illettrés (grâce au système de vidéos). Une initiative qui met en relation, dans une vision optimiste de l'utilisation des médias, le local et les centres de décision.
Un forum organisé sur deux jours à l'Université Saint-Joseph et financé par l'Union européenne a discuté de la relation entretenue par la jeunesse des pays arabes avec les médias.

Par Maxime PLUVINET - Source de l'article l'Orient le Jour

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