La Méditerranée comme opportunité réciproque

Si l'on considère la Méditerranée comme une opportunité réciproque pour le nord et le sud, comme une passerelle vers l'Afrique et non comme un fossé qui se creuse avec le continent européen, il existe alors aujourd'hui en Europe un vrai "besoin de Méditerranée".

TANGER_MEDITERRANEE

Au cours de la dernière décennie, la conscience environnementale et la mobilisation pour le développement durable ont beaucoup progressé en Europe, comme en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Afrique. Se sont aussi imaginés de nouveaux modes de développement et de coopération, en particulier au Maghreb et au Proche-Orient avec lequel la France entretient des rapports souvent complexes et passionnés mais fraternels. 

Après le succès de la COP21, et à quelques mois de la COP22, portée par le Royaume du Maroc, alors que les enjeux climatiques continuent de mobiliser les énergies et les consciences, il est devenu fondamental de poursuivre la construction, selon l'expression du Président Hollande, d'une "Méditerranée des projets, utile aux populations des deux rives", favorisant toutes les initiatives qui pourront accompagner les transitions auxquelles ces pays émergents sont confrontés: la Méditerranée est en effet la région du monde où toutes les transitions se croisent, se heurtent et se complètent, qu'elles soient démocratiques, économiques, technologiques ou environnementales.

Car si notre pays aspire à diffuser partout dans le monde son modèle "d'excellence environnementale", il aspire aussi à reprendre toute sa place en Méditerranée. Cette démarche ne pourra produire ses effets sans une réelle coproduction économique, technologique, sociale, fondée sur la recherche de solutions de fond et de promesses d'avenir. Il faut cesser de proposer des solutions correctives et descendantes comme il faut cesser de multiplier les cadres et les dispositifs de coopération pour proposer à ces pays une stratégie globale de mobilisation des moyens, des intervenants et des objectifs.

Le plein engagement de Ségolène Royal dans la COP22 de Marrakech témoigne en réalité d'un choix politique clair qui consiste à renforcer la présence stratégique et le savoir-faire de la France sur la rive sud de la Méditerranée. Au-delà c'est à l'ensemble du continent africain qu'un message est porté.

Sur la rive sud, le Maroc, la Tunisie et l'Algérie montrent la voie de la transition énergétique et écologique à tout un continent. Le défi est immense, l'objectif est vital si l'on considère la Méditerranée comme une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique. 

Parce que ces pays ont pris du retard, il nous faut leur permettre de sauter des étapes en s'engageant le plus vite possible dans des partenariats efficaces au service d'une coopération "positive" qui privilégie la "croissance verte". Pour cela, il faut poursuivre et favoriser les initiatives positives qui contribuent à répondre aux attentes légitimes exprimées par les populations. 

Ces partenariats sont d'abord à rechercher à l'échelle européenne, mais l'Union européenne renâcle à franchir ce cap car les vieux réflexes sont tenaces et l'Europe a en effet encore du mal à s'imaginer un avenir en Afrique, comme en Méditerranée.

Aujourd'hui, la région sud-méditerranéenne demeure fragmentée économiquement, socialement et politiquement. Elle est sans doute l'une des régions les moins intégrées au monde qui peine à identifier ses points de convergence économiques, sociaux et environnementaux. Accompagner la transition énergétique comme la transition démocratique relève par conséquent d'une même démarche cohérente et audacieuse que la France doit plus encore soutenir.

La construction d'une Méditerranée de projets autour d'une communauté de destin suppose de construire avec l'ensemble de nos partenaires les fondations d'une coopération plus large, qui s'appuie sur tous les leviers du développement économique, technologique et social.

La création d'une Agence Française de la transition Energétique et écologique en Méditerranée serait un signe d'un progrès majeur.

Cette agence faciliterait l'identification des projets porteurs d'un réel impact sur la transition énergétique et contribuerait à accompagner les porteurs dans les démarches d'ingénierie et de recherche de financement auprès des bailleurs internationaux, en particulier en Europe. Elle porterait une biodiversité d'excellence, le développement des énergies soutenables: hydrauliques, offshore, biomasse et bien encore! Cette agence, base d'une coopération plus large, travaillerait ainsi à l'émergence d'une économie régionale verte, plus respectueuse de l'environnement et moins créatrice d'inégalités.

Elle devra également soutenir une politique de coopération décentralisée entre autorités locales sur la bonne gouvernance des infrastructures d'assainissement ou de déchets, appuyer la mise en place d'une aire marine protégée d'intérêt méditerranéen, ou encore porter un projet transfrontalier de gestion intégrée des zones côtières.

Nos voisins allemands, en avance sur ces sujets, sont aujourd'hui très présents au Maghreb, notamment par leur agence la GIZ qui est dotée de moyens conséquents. C'est un modèle de coopération, et de co-construction de politiques publiques, dont nous devons nous inspirer.

Il s'agit désormais de porter un regard neuf sur le co-développement, sur la contribution des collectivités locales, des associations, des entreprises, des réseaux constitués œuvrant en tant que catalyseurs d'une nouvelle coopération fondée sur des relations durables, prospectives, innovantes, au service de l'intérêt général car il s'agit du monde que nous souhaitons demain laisser à nos enfants. 

En accédant au rang de pays émergents, les pays méditerranéens et africains n'ont pas d'autres choix que de s'engager dans un mode de production et de consommation durable en développant la coopération avec leurs voisins du nord de la Méditerranée mais aussi la coopération entre eux. 

En assurant d'un soutien sans faille tous les pays qui s'engagent dans cette voie en Méditerranée, la France manifestera sa volonté de construire une relation plus sûre et plus équilibrée qui propose une autre vision de notre destin de communauté, dans le bassin méditerranéen.

Ces enjeux seront développés à l'occasion de la MedCOP, qui se déroulera les 18 et 19 juillet à Tanger, à laquelle je participerai en tant que membre de la délégation française.

Par Christophe Madrolle - Source de l'article Huffingtonpost

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