Pourquoi les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord devraient développer le bénévolat chez les jeunes

Imaginez plus d’un millier de jeunes Libanais de tous horizons rassemblés dans un grand amphithéâtre. Certains chantent l’hymne du pays en agitant le drapeau national. 


D’autres se donnent la main et se mettent à hurler dès que leur photo ou celles de leurs nouveaux amis apparaissaient sur le grand écran. Tous ces jeunes gens ont un point commun : ils ont laissé de côté leurs différences socio-économiques, religieuses ou politiques pour offrir de leur temps libre et travailler ensemble afin de mettre en œuvre des projets communautaires à travers le pays.

Le 5 décembre 2015, à l’occasion de la Journée internationale du bénévolat, 1 300 jeunes âgés de 15 à 24 ans ont été remerciés pour leur participation à 22 projets de volontariat mis en place par des ONG au cours de l’été 2015 et financés grâce au premier appel à propositions du Programme national de bénévolat. Fort d’un don de 2 millions de dollars accordé par le Fonds pour la construction de la paix et de l’État (SPF) au ministère libanais des Affaires sociales, ce programme entend favoriser l’engagement citoyen au sein de la jeunesse. L’objectif à moyen terme est de viser une plus grande cohésion sociale et une meilleure employabilité des jeunes. À ce jour, environ 5 000 jeunes et une centaine d’ONG et de municipalités ont directement pris part aux activités de ces projets.

Des tensions importantes sont susceptibles d’apparaître dans les pays où les jeunes n’ont pas la chance de s’investir dans des actions sociales, à mesure que croissent leur frustration et leur incapacité à peser sur le cours de leur vie ou sur la société en général. Le bénévolat peut aider à remédier à cet écueil. D’abord parce qu’il désamorce les tensions en fédérant les individus autour d’objectifs communs et que, en donnant plus de sens à la citoyenneté, il contribue à l’édification de sociétés plus solidaires. D’ailleurs, l’un des principes fondamentaux du Programme national de bénévolat consiste à affecter les bénévoles à des tâches en dehors de leur communauté. Pourquoi est-ce si important ?

Prenons le cas de Dima, une des jeunes femmes que j’ai rencontrées lors de la manifestation de décembre 2015. Après avoir pris un selfie avec moi, elle m’a expliqué comment cette expérience de bénévolat lui avait ouvert les yeux et changé sa vision des choses. Dima a pu travailler auprès d’une communauté dont elle n’avait jamais entendu parler, et rencontrer d’autres jeunes qui, malgré quelques différences, avaient les mêmes centres d’intérêt, les mêmes difficultés et les mêmes aspirations qu’elle. « Nous vivons parfois dans une bulle et l’inconnu nous effraie. Le programme a fait éclater cette bulle, et je me sens maintenant libre d’aller plus loin et d’œuvrer pour l’unité et la paix dans mon pays », affirme-t-elle. Au regard du contexte politique, religieux et social particulièrement complexe au Liban, ainsi que du nombre important et toujours croissant de réfugiés, le bénévolat constitue donc un dispositif important pour rapprocher les individus et les communautés, et ainsi contribuer à la paix civile dans l’ensemble du pays.

Le bénévolat offre aussi à ces jeunes l’opportunité de vivre une expérience professionnelle non rémunérée qui leur permettra d’accroître leur employabilité. Une aide du Fonds fiduciaire multidonateurs pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et du programme Leadership, apprentissage et innovation de la Banque mondiale est venue s’ajouter au don du SPF afin de compléter les projets entrepris dans le cadre du Programme national de bénévolat et d’optimiser ses résultats et son impact sur le terrain. Cette aide a consisté à développer les compétences relationnelles des jeunes gens participant au programme, établir des partenariats et favoriser une intégration plus étroite entre le secteur privé et le programme grâce à la mise en place d’une coalition multipartite. De nombreuses entreprises se plaignent d’un déficit de compétences relationnelles chez la jeunesse libanaise, dû en partie au fait que les systèmes scolaires officiels se concentrent principalement sur les compétences techniques. Les compétences humaines, notamment la faculté de travailler en équipe, d’innover, de gérer et de résoudre des conflits, de prendre des responsabilités et de se montrer flexible, permettent aux jeunes de travailler de manière efficace et efficiente, et ainsi d’améliorer les performances et la productivité de leur entreprise.

Le Programme national de bénévolat, premier projet du genre dans la région, revêt un potentiel considérable au Liban et dans l’ensemble des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, car le bénévolat s’est avéré être un moyen efficace de répondre aux besoins sociaux et économiques non satisfaits, notamment dans des pays sortant d’un conflit. Alors que ce programme a réussi à mobiliser la jeunesse libanaise et à la faire travailler au service d’autres communautés, conjointement avec des ONG et des municipalités, le ministère libanais des Affaires sociales envisage à présent d’adopter éventuellement cette approche pour répondre aux besoins de plus en plus urgents qui découlent des conséquences de la crise syrienne sur les populations les plus vulnérables du pays.

Le Programme national de bénévolat fait actuellement l’objet d’une étude d’impact rigoureuse. Ses résultats, qui seront disponibles d’ici la fin de l’année, contribueront à déterminer si ce dispositif a en effet permis de favoriser la cohésion sociale et l’employabilité des jeunes et serviront à mieux calibrer de futurs programmes d’intervention au Liban. Autre élément tout aussi important : le lancement d’un deuxième appel à propositions ciblant les écoles et les universités. Les projets sélectionnés seront mis en œuvre durant l’été 2016 et toucheront 600 nouveaux jeunes bénévoles et plus de 13 communautés libanaises différentes. Together, We Make a Difference : c’est ce qu’affirme le logo du programme. Nul doute que, grâce au Programme national de bénévolat, la jeunesse libanaise dispose d’un grand potentiel pour faire changer les choses

Par René Léon Solano - Source de l'article Le Blog Banque Mondiale

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