La Tunisie dans un équilibre fragile à l’anniversaire de son printemps arabe

Cinq ans après la révolution de jasmin, la Tunisie a réussi sa transition démocratique sans parvenir à relancer son économie.

Une femme manifeste parti l’ancien président Ben Ali, renversé 14 janvier 2011Le 17 décembre 2010, l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, un marchand ambulant de 26 ans, excédé par la misère et les brimades policières, déclenche un soulèvement populaire, couronné le 14 janvier 2011 par la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali. Cinq ans plus tard, le pays a célébré, jeudi, sans faste particulier cet anniversaire. Le pouvoir peut être satisfait d’avoir réussi sa transition démocratique. Les artisans du changement ont été salués par la communauté internationale et l’ octroi du prix Nobel de la Paix pour le chemin parcouru. Non sans écueils.

En mars, puis en juin, et enfin en novembre, la Tunisie a été la cible à trois reprises du terrorisme. Deux attentats, l’un au musée du Bardo à Tunis, l’autre sur une plage à Sousse, devant un hôtel international ont fait plus d’une soixantaine de morts et montré que le pays n’était nullement à l’abri d’actes insensés. Une autre attaque, dans un bus de la garde présidentielle en plein centre-ville de Tunis, a fait une douzaine de morts en novembre . Sanglantes, barbares, ces attaques sont intervenues trop tard pour espérer changer le cours des choses car le processus était enclenché depuis longtemps déjà. La Tunisie a adopté, en 2014, une nouvelle Constitution, puis organisé des élections législatives, remportées par le parti nouveau anti-islamiste Nidaa Tounès devant les islamistes d’Ennahda, majoritaires jusqu’alors. En décembre, Béji Caïd Essebsi a été élu au suffrage universel.

Désillusion

La transition politique serait un franc succès si l’économie suivait. La Tunisie a pour elle d’avoir une population jeune, bien formée et d’être située à proximité de l’Union européenne. Et pourtant. Le taux de chômage est supérieur à 15 % et dépasse même 30 % chez les jeunes diplômés. Après la révolution de Jasmin, c’est la désillusion qui s’installe petit à petit. « Les études ne mènent plus à rien » se lamente une jeunesse qui se sent aujourd’hui flouée. La liberté, c’est bien mais elle ne donne pas à manger, peut-on entendre. Et la menace djihadiste qui plane sur le pays- à la frontière de la Libye- ne fait rien pour arranger les choses.

Alors que 2015 devait être synonyme de reprise, les 3% de hausse du PIB attendus grâce notamment à l’apaisement du climat politique et social à la faveur des élections générales ne seront pas au rendez vous. L’économie ne devrait même pas progresser dans les mêmes proportions qu’en 2014 (+2,4 %). En cause notamment, l e coup d’arrêt porté au tourisme, un pan essentiel de l’activité. Il entre -officiellement- pour 7 % dans le PIB et emploie pas moins de 12 % de la population. L’effet est très net: le nombre de nuitées enregistrées à fin octobre est en chute de 44,7 % par rapport à l’an dernier à pareille époque selon le ministère du tourisme. Ce sont surtout les Européens qui font défection, Selon les voyagistes qui vendent surtout des forfaits -avion + séjour- la Tunisie a été l’une des destinations les plus sinistrées avec une baisse de 51,6 % de ce type de clientèle depuis un an. Simple effet d’aubaine ou solidarité affichée? Les touristes algériens ont en partie pris le relais des Européens en multipliant les séjours balnéaires.

Par Michel De Grandi - Source de l'article Les Echos

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