« Je crois beaucoup au potentiel de l'économie sociale et solidaire »

Secrétaire générale adjointe de l'Union pour la Méditerranée (UpM, siège à Barcelone), chargée des affaires sociales et de la société civile, l'Ambassadrice Delphine Borione apporte des précisions sur l'action de l'UpM en faveur de l'ESS – un entretien qui vient compléter notre article "L'ESS, un futur accélérateur d'emploi pour les pays du Sud".

Le Secrétariat général de l'UpM a maintes fois affirmé sa volonté de promouvoir la croissance inclusive et l'intégration régionale. En quoi l'économie sociale et solidaire (ESS) peut-elle selon vous concourir à cet objectif ?

Delphine Borione - L'économie sociale et solidaire permet d'ouvrir de nouvelles opportunités que l'« économie classique » n'a pas pu offrir. Dans une région où les défis liés au chômage des jeunes et des femmes sont nombreux, l'ESS est un moyen opérationnel de créer de la valeur ajoutée à un niveau souvent décentralisé, et de trouver des sources de revenus innovantes. Il peut aider des personnes non insérées dans le circuit économique ou vulnérables (jeunes diplômés sans emplois, femmes issues du monde rural, personnes à mobilité réduites, etc..) de s'organiser et ainsi de créer des sociétés plus inclusives. L'ESS aide aussi à répondre à des besoins sociaux face auxquels les structures traditionnelles ou les États sont démunis. Au niveau régional, plusieurs réussites ont été enregistrées ces dix dernières années, qu'il s'agit de faire connaître et de diffuser.

Le SG de l'UpM est aussi fortement engagé dans la promotion de la parité et de l'employabilité des femmes. En quoi l'ESS peut-elle y contribuer ?

Delphine Borione - En effet le Secrétariat de l'UpM a placé la promotion du rôle de la femme dans la société au centre de son action, car nous sommes convaincus de la centralité de ce sujet pour le développement politique, économique et social de la région. Les 43 États membres de l'UpM ont adopté à Paris en septembre 2013 une déclaration conjointe qui contient des engagements ambitieux avec des actions concrètes et ciblées en faveur de l'amélioration de la situation de la femme.

Pour opérationnaliser ces engagements, et en plus des projets et programmes que nous soutenons, le secrétariat de l'UpM organise chaque année une conférence annuelle qui donne la possibilité aux acteurs non gouvernementaux locaux et nationaux de se retrouver, avec les gouvernements, pour échanger sur les priorités d'action et identifier des projets communs à promouvoir.

Selon plusieurs études concordantes, les femmes représentent une part importante de l'emploi dans l'ESS, à travers notamment les coopératives et associations locales. L'ESS est en particulier un levier et un accélérateur pour équilibrer le déficit d'employabilité des femmes dans la région (au Nord comme au Sud). Cette question sera aussi abordée lors de notre prochaine Conférence qui se tiendra les 26, 27 mars prochains à Barcelone.

Quels principaux obstacles devra selon vous surmonter l'ESS pour s'enraciner significativement dans les pays sud Med ?

Delphine Borione- Une première difficulté est le manque de définition précise mais également l'identification du cadre juridique et légal, et des limites précises de l'ESS. Ce secteur divers et multiple est encore diversement reconnu (et soutenu) dans les pays de la Méditerranée, même si la situation a beaucoup progressé récemment.

C'est un domaine qui - même s'il dispose d'un potentiel élevé en termes de création d'emploi, et de création de richesse - est encore très peu connu du grand public.

L'UpM a d'ailleurs une coopération avec l'Organisation internationale du travail, au sein d'un groupe de travail des Nations Unies sur l'ESS, pour renforcer la visibilité de l'ESS et permettre sa meilleure intégration dans les politiques nationales.

Enfin, c'est un secteur en pleine évolution. Ses financements restent en partie dépendants des subventions publiques qui connaissent la crise que nous savons, mais également de moyens innovants qui se développent, tels que le financement participatif, la finance solidaire et des soutiens des entreprises privées, qui, eux, sont plutôt en croissance. Je crois beaucoup au potentiel de développement de cette économie.

Le Secrétariat de l'UpM, en tant qu'organisation de coopération régionale, a mis au cœur de son action la promotion d'un développement socio-économique durable et inclusif, avec une priorité donnée aux actions visant les jeunes, les femmes, l'emploi. Plusieurs des projets que nous promouvons relèvent de l'économie sociale et solidaire. Nous travaillons à soutenir et accompagner les acteurs qui travaillent en ce sens à mieux s'organiser, renforcer leurs capacités et la qualité de leurs projets, à diffuser des bonnes pratiques de la région mais aussi au-delà... En somme, à promouvoir et faire connaître des méthodes innovantes et aider celles qui ont réussi, à s'étendre, se dupliquer, se mettre en réseau.

Des exemples concrets ?

Le Secrétariat de l'Union pour la Méditerranée travaille sur des projets concrets qui relèvent de l'économie solidaire, par exemple relevant de l'artisanat féminin ou du développement du tourisme durable. Dans le cadre de la conférence que nous avions organisé en mars 2014 sur l'autonomisation socio-économique des femmes, un atelier avait été consacré, en liaison avec l'ONUDI, aux moyens d'augmenter la valeur ajoutée des activités productrices de revenus générés par des femmes, en particulier dans le domaine de l'artisanat.

Nous soutenons aussi les efforts de l'Association MedEss qui promeut l'économie sociale et solidaire en Méditerranée, notamment en cherchant à mettre en place de pôles territoriaux d'appui au développement de l'ESS, interconnectés entre eux, ou en développant des formations pour des entrepreneurs de l'ESS.
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Par Alfred Mignot - Source de l'article La Tribune

*: Secrétaire générale adjointe de l'Union pour la Méditerranée (UpM), chargée des affaires sociales et de la société civile, Delphine Borione est une diplomate qui a occupé de nombreux postes dans les domaines économiques, culturels, humanitaires et de la coopération internationale. Elle est depuis 2013 Secrétaire générale adjointe de l'Union pour la Méditerranée, en charge des affaires sociales et de la société civile. Ancienne élève de l'ENA et diplômée de Sciences Po Paris, elle a également une licence de droit des affaires et un diplôme d'études approfondies (DEA) en histoire des relations internationales. Elle est chevalier de la Légion d'honneur.

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