Afrique du nord : quels soutiens publics et réglementations pour soutenir les énergies renouvelables... l'analyse de Jeantet (Tunisie 3/3)

En Afrique du nord, l'Egypte, la Tunisie et le Maroc conduisent des politiques incitatives au développement des énergies renouvelables, notamment l'éolien. Quel est l'état de la reglementation et des soutiens dans ces trois pays... 

La Tunisie a promulgué la Loi 2015-12. Elle vise à développer la part encore très faible des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays et à attirer les investisseurs privés. Après le Maroc et l'Egypte, Hugues de La Forge du cabinet Jeantet Associés détaille la situation en Tunisie.

[Avis d'expert] Pas moins de 96% de la capacité totale installée, en Afrique, d’énergie éolienne l'est au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Cette performance pourrait être liée au cadre juridique favorable établi par ces trois pays. Ces derniers ont en effet récemment légiféré afin de favoriser le développement des énergies renouvelables :
  • au Maroc, la Loi n°13-09 sur les énergies renouvelables du 11 février 2010 (la « Loi 13-09 ») [voir note 1 en encadré] ;
  • en Egypte, le Décret-loi présidentiel n° 2003-2014 sur la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables (la « Loi de 2014 ») [2] ; et
  • en Tunisie, la Loi n° 12 du 11 mai 2015 relative à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables promulguée le 21 mai 2015 et entrée en vigueur le même jour (la « Loi 2015-12 ») [3].
Ces différents textes s’inscrivent dans une volonté de développement et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique respectif des trois pays. Conscients de leurs besoins énergétiques nationaux croissants et de l’importance du facteur environnemental dans leurs politiques énergétiques nationales, leurs stratégies convergent.

La situation en Tunisie ; modernisation du cadre légal des ENR

La Tunisie a promulgué la Loi 2015-12. Elle vise à développer la part encore très faible des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays et à attirer les investisseurs privés. L’objectif est de porter la production d’énergies renouvelables à 30% d’ici 2030. Cette part était évaluée à 4% seulement du mix énergétique en 2014.

Cette Loi 2015-12 se superpose aux textes de 2004 et 2009 existants concernant l’autoproduction d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables [6], et ceux de 1996 concernant la production privée d’électricité à partir d’énergie « classique »[7] .

Ainsi trois régimes relatifs aux énergies renouvelables sont désormais prévus :
  • l’autoproduction dans le cadre de la Loi 2015-12 et dans celui des lois de 2004 et 2009 ;
  • la production privée d’électricité destinée au marché local dans le cadre de la Loi 2015-12 et des textes de 1996 ; et
  • l’exportation introduite par la Loi 2015-12.
La Loi 2015-12 élargit l’autoproduction aux personnes publiques et autorise l’exportation d’énergies renouvelables. Un plan national de l’énergie électrique produite à partir des énergies renouvelables sera également mis en place.

S’agissant de la production privée d’électricité destinée au marché local, une distinction est faite selon la taille des projets. Seuls les projets dépassant une certaine capacité, fixée par décret, seront soumis à une procédure d’appel d’offres et à un régime concessif. Pour les autres projets, un contrat de production et de vente de l’électricité devra être conclu entre la Société Tunisienne de l’Electricité et du gaz (« STEG ») – opérateur publique historique en charge de la production et la distribution de l’électricité et du gaz naturel sur le territoire tunisien – et la société de projet locale obligatoirement créée.

Toutefois, la soumission de la quasi-totalité des projets relatifs aux énergies renouvelables à l’autorisation de l’Assemblée des Représentants du Peuple alourdit considérablement les procédures. A cet égard, les projets « classiques » paraitront plus faciles à réaliser puisqu’ils ne sont pas (encore ?) soumis à cette même autorisation.

Selon le type de projet, l’excédent de l’électricité produite ou une partie de celle-ci, devra être vendue exclusivement à la STEG, qui conserve le monopole du transport et de la distribution. La Loi 2015-12 ne prévoit pas la possibilité pour un exploitant privé de vendre directement sa production auprès des consommateurs tunisiens contrairement, par exemple, au Maroc et à l’Egypte. La Loi 2015-12 prévoit des tarifs d’achat sans préciser les modalités de son calcul.

Le manque de lisibilité de la Loi 2015-12 et sa combinaison avec les textes existants, mais surtout l’incertitude actuelle relative aux tarifs, pourraient freiner le développement des énergies renouvelables.

De nombreux textes d’application sont attendus pour permettre la mise en œuvre effective de la Loi 2015-12 concernant des points essentiels comme les conditions et modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation et de production, ou encore les tarifs d’achat.

Conclusion des situations du Maroc, de l'Egypte et de la Tunisie :

Alors que la France vient tout récemment d’annoncer la fin des tarifs d’achat, pour proposer un mécanisme de vente sur le marché assorti d’une prime, sous l’impulsion de l’Union Européenne, les feed-in tariff ne semblent plus séduire. Le modèle marocain, qui a fait le choix de ne pas en proposer a d’ailleurs fait preuve de son efficacité.

Par Hugues de La Forge, avocat associé du cabinet Jeantet Associés (Ancien responsable juridique chez Bouygues Construction, Hugues de La Forge a passé plusieurs années comme professeur de droit et conseil juridique en Egypte et au Maroc où il conseille de grandes entreprises)
Source de l'article l'Usine Nouvelle

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