Royal Air Maroc aussi présente en Afrique qu'en Europe

Driss Benhima, P-DG de la compagnie chérifienne, dresse le portrait de ce que devrait être un transporteur panafricain rentable.

En deux ans, Royal Air Maroc, qui perdait deux millions d'euros par semaine lors de l'été 2011, a opéré un redressement spectaculaire, affichant un résultat net bénéficiaire en 2013. "La restructuration a été sévère avec le passage de 5 600 à 2 900 agents, l'arrêt de lignes non rentables, la vente de dix avions anciens, avant de bénéficier de la recapitalisation prévue par le contrat-programme", explique Driss Benhima, P-DG de Royal Air Maroc, que nous avons rencontré à l'occasion d'un colloque sur le développement économique marocain à l'Institut du monde arable à Paris. 

2015, l'année de la consolidation

"Nous sommes la quatrième compagnie africaine pour les passagers transportés derrière Ethiopian Airlines, Egyptair et South African Airlines, mais la troisième devant Egyptair en termes de chiffre d'affaires. Celui-ci est supérieur à ceux d'Air Algérie et de Tunisair réunies. Aujourd'hui, nous desservons 32 destinations en Europe et 31 en Afrique. À Casablanca, 52 % des passagers sont en correspondance contre 5 % en 2004, quand nous avons commencé à développer notre hub."

La croissance de la RAM et le retour à l'équilibre ont été possibles grâce au réseau africain, qui connaît une évolution positive à deux chiffres pour atteindre une croissance de 18 % cette année. 2015 sera, selon Driss Benhima, ingénieur X-Mines formé en France, l'année de la consolidation avec quelques ouvertures de ligne comme Abuja, mais surtout des augmentations de fréquences. Un nouvel avion vient d'arriver dans la flotte, l'Embraer 190 de 100 sièges, sur quatre commandés qui, avec une capacité inférieure aux Boeing 737, va permettre de résister sur certaines lignes aux offres des compagnies low cost.

S'adosser à un autre transporteur

Driss Benhima croit à la création d'une compagnie aérienne panafricaine, un successeur d'Air Afrique disparue en 2002. "Cette compagnie doit viser les liaisons interafricaines avant de s'intéresser à l'international, où l'offre est déjà importante. En revanche, aujourd'hui, pour aller d'un pays africain à un autre proche, il faut parfois passer par Casablanca, faute de transversale", constate le P-DG de la RAM. Or, pour être économiquement viable, la flotte de la compagnie doit compter une trentaine d'avions.

Aucun État n'est en mesure de financer un tel parc et le passage de zéro à quinze avions est très délicat. "Il faut s'adosser à la plus grosse compagnie de la région qui produira des heures de vol au bénéfice d'une entité panafricaine. Elle prendra ensuite le relais, chaque État apportant alors sa participation selon ses moyens. On a une certitude : à moins de quinze avions, le prix de vente du billet ne peut pas être concurrentiel et les pertes sont assurées. Chaque pays doit aussi déléguer des droits de trafic, car il n'y a pas aujourd'hui d'open sky africain. À l'issue de la réunion de 44 pays africains à Yamoussoukro en 1999, il y a eu une déclaration sur les droits de trafic et l'ouverture du ciel, mais pas un accord avec des engagements." 

La balle est dans le camp des pays qui tentent de développer une compagnie. Mais, notamment en Afrique de l'Ouest, l'attachement à un pavillon national est très fort. On ignore souvent la dure réalité du transport aérien, où le coût de l'heure de vol d'un avion moyen-courrier tourne autour de 8 000 euros.

Quatre Boeing 787 Dreamliner et peut-être un Airbus A380

Royal Air Maroc, outre les Embraer 190, va recevoir d'autres avions neufs, des Boeing 787 Dreamliner. Ces quatre appareils vont remplacer sur le réseau long-courrier les B767. La livraison était prévue en 2008 mais, en raison des retards du constructeur, le premier n'arrivera qu'à la fin de l'année à Casablanca et le deuxième suivra en mars. Dès janvier, un 787 desservira Orly, permettant d'effectuer l'adaptation en ligne des équipages sur un vol court. Puis ils seront affectés à la desserte de New York et de Montréal et mis en renfort sur les lignes à fort trafic au Proche-Orient, en Afrique et en Europe. La desserte de la Chine est à l'étude pour ce secteur long-courrier qui devrait compter quinze appareils à l'horizon 2020.

Autre nouvel avion pouvant entrer à terme dans la flotte, un remplaçant du Boeing 747-400 devra offrir près de 500 sièges. Celui-ci, datant de 1993, était un appareil commandé par Air France qui, en graves difficultés financières, avait dû renoncer à prendre livraison de l'avion. Un appel d'offres a été lancé à Boeing pour un B747-8 et à Airbus pour un A380. Le super jumbo choisi aura pour mission d'assurer le transport du roi lors de certains voyages officiels, d'assumer les déplacements de masse lors du pèlerinage du hadj à La Mecque (plus de 100 vols spéciaux par an), enfin d'arriver en renfort lors des pointes hebdomadaires de dessertes comme Paris-Marrakech. Il pourra également effectuer des missions humanitaires. En France, un président "normal" ne devrait-il pas mettre son A330 à la disposition de la compagnie nationale quand il ne l'utilise pas ?

Par Thierry Vigoureux - Source de l'article Le Point Afrique

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