L'Algérie et la Tunisie disent oui au gaz de schiste

"Un projet incontournable". C’est en ces termes que le ministre algérien de l’Energie Youcef Sousfi a défini l’exploitation à venir du gaz de schiste. La société publique Sonatrach, qui gère l’exploitation et l’exportation des imposantes ressources énergétiques du pays, a estimé les réserves algériennes à 700 trillions de mètres cubes, ce qui en ferait le troisième gisement mondial.
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Lors d’une convention organisée par la première entreprise africaine (72 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012), une horde d’experts internationaux invités par Sonatrach ont fait l’éloge de l’exploitation du gaz de schiste. Les circonstances de l’évaluation restent occultes, et Sonatrach, qui souffre d’une légitimité fragilisée depuisun scandale de corruption dont les suites judiciaires sont toujours en cours, a grand intérêt à faire valoir des progrès notables. Les chiffres avancés sont cependant plausibles: "Ils rejoignent les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)", a ainsi précisé le vice-président du groupe Said Sahnoun. Selon les calculs de l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT), le projet devrait mobiliser 300 milliards de dollars sur 50 ans.
En pleine bourre, le gaz de schiste divise
Nouvelle ressource en vogue, le gaz de schiste bouscule l’ordre établi. Les gisements mondiaux, estimés à plus de 200 billions de mètres cubes et dont la Chine, l’Argentine, l’Algérie et les Etats-Unis sont les plus gros détenteurs, ont été nettement valorisés depuis l’augmentation du prix du pétrole au début des années 2000. L’exploitation du gaz de schiste a ainsi permis aux Etats-Unis de redevenir exportateur net de gaz naturel. Importateur de 22% de ses besoins en gaz, Pékin a lancé une gigantesque campagne en faveur du "shale gas", encouragée par des Américains prêts à partager leurs technologies en échange d'une part de marché. L’avancée progressive des deux grandes puissances vers l’autonomie énergétique chamboule la géopolitique énergétique mondiale.
Schéma de l'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique
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Le miracle schistien demeure cependant sujet à controverse. Des experts dénoncent les défauts de la principale technologie d’extraction, dite par fracturation hydraulique. Cette méthode, consistant à fracturer la "roche mère" qui abrite le gaz, serait à la fois nocive pour l’environnement (émission de gaz à effet de serre, recours à des produits cancérigènes) et économiquement improductives (coût élevé de l’installation sachant que les gisements ont une faible durabilité). La France, dont les sous-sols abriteraient le deuxième gisement européen derrière la Pologne, a par conséquent interdit cette technique d’extraction en 2011, laissant toutefois la porte ouverte à d’autres innovations en la matière. Mais la plupart des pays ont accueilli la nouvelle aubaine à bras ouverts. Entre des études encore incertaines et des lobbys industriels comme environnementaux qui y voient un enjeu majeur, l’arbitrage n’est, à l’instar du débat autour du réchauffement climatique, pas prêt d’être rendu.
La Tunisie veut une part du gâteau
En Tunisie, le gaz de schiste fait irruption dans les débats lorsque le gouvernement octroie un permis d’exploration au groupe Shell en septembre 2012. Mis sous pression, le ministre de l’Industrie de l’époque, Mohamed Lamine Chakhari, avait alors affirmé que la fracturation hydraulique n’était "pas dangereuse dans tous les cas".
En mai 2013, Ali Larayedh enfonce le clou: "Nous intensifierons notre programme de recherche et exploration, renforcerons la maîtrise de la consommation de l’énergie et mettrons en place les mesures nécessaires pour réduire ce déficit énergétique qui pénalise près du dixième de notre budget".
Justifiant ce positionnement par la nécessité de contrer un déficit miné par les compensations (2,7 milliards DT), le Premier ministre a ouvert grand la porte aux investisseurs étrangers susceptibles d’importer la technologie nécessaire. Depuis lors, la polémique a, comme tant d’autres, fait place à la crise politique. Etant donné les récents chiffres alarmistes de l’économie et l’abaissement de la note tunisienne par Standard & Poor’s, l’argument de la nécessité risque de suivre son cours en toute discrétion jusqu’au fait accompli.
 Par Sandro Lutyens - Source de l'article HuffPost Maghreb 

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