"Frappée par trois crises, l’Afrique du Nord est maintenant menacée par une quatrième" (BAD)

Après avoir été touchés par trois crises externes (crise alimentaire mondiale, crise financière mondiale et, récemment, crise de la dette de la zone euro), les pays d’Afrique du Nord sont confrontés à celle du "Printemps Arabe". D’origine interne, cette nouvelle crise les rend encore plus vulnérables aux chocs externes, selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD).

Banque Africaine de Développement 2013
La BAD préconise de réviser les politiques sociales afin de cibler les ménages démunis et vulnérables.
 
Le Rapport 2013 du Groupe de la BAD sur l’Afrique du Nord met en exergue la lenteur des gouvernements d'Afrique du Nord à répondre à la crise alimentaire de 2007, et le fait d’avoir "mal ciblé" les populations les plus durement touchées par la flambée des prix. A cela s’ajoute la situation chaotique induite par ce qui est communément désigné comme le "Printemps Arabe" qui, deux ans après, met encore au défi ces pays qui ont connu des bouleversements politiques majeurs, de transformer la transition politique en gains décisifs dans les domaines sociaux et économiques. En plus des difficultés que rencontre la région, le développement dans les pays voisins  (Sahel, Europe) n’a pas été favorable, souligne le rapport de la BAD. "Au Sud, la région a subi les effets néfastes des insurrections armées et des conflits dans les pays du Sahel. Au Nord, l’Europe reste confrontée à la pire crise économique depuis des décennies. Bien que les développements dans la région diffèrent, les dernières années ont démontré combien les pays de l'Afrique du Nord sont interdépendants et liés aux pays voisins, au nord comme au sud", écrivent les experts de la BAD. Selon eux, la transition politique vers une meilleure gouvernance et des sociétés plus participative en Afrique du Nord s’inscrira dans la durée.
Durant la décennie écoulée, l’Afrique du Nord a été frappée par trois crises. Elle est maintenant menacée par une quatrième, prévient la banque africaine. Trois de ces quatre crises (crise alimentaire mondiale, crise financière mondiale et, récemment, crise de la dette de la zone euro) ont des origines externes et ont touché les pays d’Afrique du Nord essentiellement à travers leurs vulnérabilités structurelles. La quatrième crise, celle du "Printemps Arabe", est d’origine interne et a été déclenchée par les "vulnérabilités induites", et provoquée par l’incapacité des gouvernements en place à protéger efficacement les groupes vulnérables contre les effets des chocs antérieurs. "Etant donné que les politiques publiques n’ont pas radicalement changé à la suite du "Printemps Arabe", les pays d’Afrique du Nord sont actuellement plus vulnérables encore aux chocs externes, si bien que la crise de la dette de la zone euro, qui s’ajoute à la crise alimentaire mondiale et à la crise financière mondiale, constitue une menace pour la redynamisation de la région et sa croissance future", ajoute le rapport de la BAD.
Des progrès réalisés dans l’ouverture des marchés et la privatisation
Par ailleurs, la relance économique mondiale enregistrée sur la période 2003-2008 s’est traduite, selon la BAD, par une croissance forte et stable en Afrique du Nord. Les gouvernements de cette région ont accompagné cette expansion économique en mettant en œuvre une réforme unilatérale des tarifs et en signant des accords de libre-échange bilatéraux et régionaux. C’est ainsi que la part de l’Afrique du Nord dans le commerce mondial est passée de 0,8 % en 2003 à 1,3 % en 2008, et que les échanges de biens ont représenté une proportion croissante du PIB des pays de la région. Les recettes tirées du tourisme ont également augmenté dans tous les pays de la région, sauf en Libye. La croissance a donc été forte, et le PIB réel a augmenté à un taux annuel moyen oscillant entre 4,1 % et 5,5 % dans tous les pays de la région, sauf en Libye où la croissance du PIB réel a été plus rapide. Quant à la croissance du PIB par habitant, elle a également été bonne, oscillant entre 2,5 % en Algérie et 5 % en Libye. Les progrès réalisés par les pays de la région dans l’ouverture de leurs marchés et la privatisation de certains secteurs de l’économie, ce que même la Libye a commencé à faire après 2003, leur ont permis d’attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE) et d’autres capitaux privés, ajoutent les experts de la BAD. L’Égypte, le Maroc et la Tunisie ont également enregistré une augmentation de la capitalisation du marché et du volume des échanges boursiers. Les pays de la région ont également bénéficié d’une augmentation de l’aide publique au développement et d’autres concours publics.
Vulnérabilités structurelles et dépendance aux hydrocarbures 
La crise alimentaire mondiale, qui a été provoquée par la hausse rapide des prix des produits alimentaires et pétroliers entre 2003 et 2008, a eu des répercussions sur la croissance dans la région, analyse la BAD dans son rapport. L’institution financière africaine ajoute que les effets de la crise sur les pays de l’Afrique du Nord ont été proportionnels à leurs vulnérabilités structurelles spécifiques, c’est-à-dire à leur degré de dépendance à l’égard des importations stratégiques ou au degré de concentration de leurs exportations. Les pays importateurs nets de pétrole (Égypte, Maroc et Tunisie) dépendent des importations pour couvrir leurs besoins en produits alimentaires et pétroliers et sont donc sensibles aux chocs des cours de ces deux produits. Les pays exportateurs nets de pétrole (Algérie et Libye) dépendent également des importations pour couvrir leurs besoins en produits alimentaires, mais leur principale vulnérabilité structurelle résulte de la concentration de leurs exportations sur le pétrole et le gaz qui représentent plus de 95 % de toutes leurs exportations et une grande part de leur PIB. Ces pays sont donc plus sensibles aux chocs consécutifs à la fluctuation des cours du pétrole qu’à ceux consécutifs à la fluctuation des cours des produits alimentaires. Etant donné que les cours du brut ont augmenté plus rapidement que ceux des produits alimentaires entre 2003 et 2008, l’Algérie et la Libye ont enregistré un boom de leurs échanges commerciaux, établi des excédents dans leurs comptes courants et leurs budgets et consolidé leurs réserves internationales. Les exportations et les recettes fiscales des pays importateurs nets de pétrole ont également augmenté, mais comme ces pays devaient absorber les coûts croissants liés à la hausse des cours du pétrole et des produits alimentaires importés, ils ont enregistré une détérioration de leurs échanges commerciaux et du solde de leurs comptes courants, indique le rapport de la BAD.
Des recommandations
Le document souligne la nécessité, pour ces pays, "de continuer à faire preuve de retenue en matière monétaire et budgétaire ; de réviser les politiques et programmes sociaux afin de résolument cibler et protéger les ménages démunis et vulnérables ; de réformer les systèmes éducatifs et d’aider les institutions étatiques à restaurer la confiance et l’inclusion". Il est préconisé de "diversifier les partenaires commerciaux et financiers, d’investir dans l'agriculture et les sources d’énergie alternatives, et de favoriser le développement des PME locales". En matière de croissance, le rapport défend le maintien du "processus de libéralisation du commerce et de privatisation", accompagné de "mesures à même d’atténuer les risques associés à l’intégration mondiale". Il est également question "d’abolir les barrières juridiques et règlementaires qui entravent la croissance de l’innovation, du secteur privé et de l’emploi" et "promouvoir la diversification sectorielle afin de favoriser une croissance économique à grande échelle". Il est également suggéré "une réforme du système de protection sociale, en renonçant, notamment, aux  subventions universelles des denrées alimentaires et du carburant, pour leur préférer des subventions plus ciblées". Quant à l’intégration régionale en Afrique du Nord, le rapport recommande : "la suppression des mesures non tarifaires", "l'amélioration du commerce et de la logistique transfrontaliers", "la réduction du coût des infrastructures (notamment dans les transports et les TIC)" et de "donner un rôle plus important au secteur privé".
Source de l'article Maghrebemergent

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