L’intégration du Maghreb, entre le rêve et la réalité


Le 17 février 2013, l’Union du Maghreb arabe (UMA) fêtera son 23ème anniversaire. Fondée le 17 février 1989 à Marrakech, bien que les responsables des cinq pays membres continuent de se rencontrer périodiquement (UMA), ne cesse de faire du surplace, loin des aspirations des peuples et des potentialités, marginalisant de plus en plus la région au sein de l'économie mondiale.

I- Problématique
L'émergence d'une économie et d'une société mondialisées et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l'empire soviétique, remettent en cause d'une part la capacité des Etats-nations à faire face à ces bouleversements et d'autre part les institutions internationales héritées de l'après-guerre. Les gouvernements à travers les Etats Nations – et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l'impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l'apparition de sous-systèmes fragmentés, de l'incertitude liée à l'avenir et de la crise de la représentation politique, d’où l’exigence de s'intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires.
Pièce maîtresse dans la région euro-méditerranéenne, le Maghreb est sollicitée par l'Union européenne par les USA et la Chine dans le cadre d'une compétition entre ces trois pôles, en fait de deux pôles n’existant pas de divergences stratégiques USA/Europe, dans leur recherche d'une hégémonie économique. Trois pays de l'UMA, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont signé des accords "euro méditerranéens d'association" allant bien au-delà de la simple libéralisation des échanges telle qu'initiée dès la fin des années 1960 dans le cadre des premiers accords commerciaux euromaghrébins.
Cette nouvelle forme de régionalisme Nord-Sud visant à établir une zone de libre échange euro-méditerranéenne est constituée de deux principaux piliers : la création d'une zone de libre échange entre l'UE et chacun des pays méditerranéens et l'élargissement graduel de cette zone grâce à la libéralisation des échanges entre pays méditerranéens. Force est de reconnaître que les résultats sont mitigés. Mais depuis nous avons une nouvelle donnée qui est celle de l’Union pour la Méditerranée qui tend à être supplantée actuellement par le sommet des 5+5 qui est le premier sommet des chefs d'Etat des pays du bassin occidental de la méditerranée qui s'était ouvert le cinq décembre 2003 à Tunis.
Parmi les points qui avaient été inscrits à l'ordre du jour était la coopération économique et l'intégration maghrébine, la coopération dans le domaine certes économique mais social et humain à travers la question de l'immigration et de la libre circulation des personnes.

II- Les axes directeurs des différentes réunions et conventions adoptées
Le Maghreb correspond à l’Afrique du Nord-Ouest, délimitée au Nord par la Méditerranée et au Sud par le Sahara. La superficie totale de l'UMA est de 5.8 millions km2 représentant 4,3 % de la superficie mondiale et dépassant de près de 80% la superficie de l'Union européenne. Durant les cinquante dernières années, la population des pays de l’UMA a augmenté à un taux d’accroissement moyen de 3,2% par an passant de moins de 30 millions en 1960 à 60 millions en 1989 et environ 90 millions en 2010 et les prévisions des Nations unies l’estime à 150 millions d’habitants à l’horizon 2050, encore qu’au cours des deux dernières décennies, les femmes du Maghreb ont vu leur fécondité chuter considérablement. Cette baisse de la fécondité a surpris par sa rapidité nombre de spécialistes des problèmes de population. Quant au principe de l’intégration économique (par le marché) des pays du Maghreb, l’idée est venue au cours des deux conférences des Ministres de l’Economie du Maghreb, la première le 26 septembre 1964 et la seconde le 26 novembre de la même année à Tanger (Maroc) Ces deux conférences ont abouti à la création du Comité permanent consultatif maghrébin (CPCM) ; chargé d’étudier l’ensemble des problèmes afférents à la coopération économique dans le Maghreb. Après trois années de tâtonnements, la problématique communautaire maghrébine se précise et en 1967. Le CPCM produit un rapport dans lequel trois types de solutions sont avancées dans la perspective intégrationniste. Il dégage trois types de solutions possibles :

La solution maximum qui impliquerait la signature d’un traité instituant l’Union économique maghrébine sur le modèle du traité de Rome avec fixation d’un calendrier relatif à l’élimination des droits de douanes et des restrictions contingentaires, établissement d’un tarif extérieur commun, harmonisation des politiques économique, fiscales, monétaires et enfin mise en place d’institutions communes dotées de pouvoir de décisions ;

La solution minimum qui ferait de la création progressive d’une union économique une simple déclaration d’intention, les seuls engagements juridiques se limitant à la participation périodique à des négociations sur les concessions tarifaires ou sur les choix des lieux d’implantation d’industries nouvelles.

La solution intermédiaire qui est fondée sur l’interaction entre la libéralisation commerciale et l’harmonisation industrielle. Cette solution devrait couvrir une période de 5 ans au cours de laquelle les pays maghrébins s’engageraient : à des réductions linéaires (10 % par exemple par an) des droits de douanes et des restrictions quantitatives frappant les produits échangés, à l’établissement d’une liste d’industries à agréer et dont les produits seraient assurés de la libre circulation et de la franchise sur le marché maghrébin, à la création d’une Banque maghrébine d’intégration pour financer les projets d’intérêt commun et favoriser cette industrialisation simultanée et équitable, à l’institution éventuelle d’une union des paiements et enfin à l’harmonisation de leurs politiques commerciales à l’égard des pays tiers pour ne pas compromettre plus tard l’institution d’un tarif extérieur commun.

L’ensemble de des axes directeurs mis en relief précédemment, ont été repris lors du sommet maghrébin qui s’est tenu à Zéralda (Algérie) en 1988. Malgré les implications tendant à remettre en cause des pans de souverainetés nationales aux décideurs politiques qui prenaient auparavant les décisions qu’ils jugeaient les meilleures pour le développement économique et social individuel de leur "Etat-Nation", le deuxième sommet maghrébin tenu le 19 février 1989 à Marrakech, voit l’adoption du traité de l’U.M.A qui définit les modalités d’une construction maghrébine et sa stratégie de développement. Différentes commissions sectorielles ont travaillé de manière très conjoncturelle pour tenter de mettre en place progressivement une zone de libre-échange supposant, la libre circulation des produits entre les partenaires ; une union douanière et donc de nouveaux instruments communs de gestion tels que l’unification des tarifs douaniers et l’élaboration de politiques unifiées, visant à définir les règles communes devant permettre la mise en œuvre d’un système de régulation économique dans la région. L’objectif à atteindre lors de ces sommets en dernier ressort consistait en l’établissement d’un marché commun et d’une unité économique progressive et globale, prélude (qui annonce) à la meilleure complémentarité entre les cinq pays de la région. La déclaration des chefs d'Etat relative à la fondation de l'UMA, adoptée au Sommet de Marrakech, marque pour sa part la volonté des pays membres de traduire dans les faits le rêve des générations maghrébines d'édifier une union viable.
On peut lire en effet dans la Déclaration que l'Union du Maghreb Arabe doit être perçue comme étant "une communauté complémentaire... qui coopère avec des institutions régionales similaires, une communauté...participant à l'enrichissement du dialogue international et mettant ses potentialités au service du renforcement de l'indépendance des Etats parties de l'Union et à la sauvegarde de leurs acquis, œuvrant avec la communauté internationale pour l'instauration d'un ordre mondial où prévaut la justice, la dignité, la liberté, les droits de l'homme et où les rapports sont empreints d'une coopération sincère et d'un respect mutuel".

Examinons les différentes conventions et les accords maghrébins conclus dans le cadre de l’UMA : ce sont les commissions sus citées qui furent à l'origine de l'élaboration des 37 conventions et accords maghrébins conclus jusqu'à nos jours dans le cadre de l'UMA.

A- En matière économique, on peut citer à cet égard l'adoption d'une "stratégie maghrébine commune de développement", en juillet 1990 définissant les bases de la solidarité économique entre les pays maghrébins et invitant à l'élaboration de politiques communes dans tous les domaines dans le but de l'instauration : d'une zone de libre-échange pour tous les produits d'origine maghrébine, ainsi que pour d'autres secteurs dont en particulier, les services. D'une union douanière et d'un marché commun, dans un deuxième temps, étape qui verrait l'harmonisation voire l'unification des droits de douane appliqués par les pays membres et l'institution d'un tarif extérieur commun. Une nomenclature douanière commune inspirée du système harmonisé a été adoptée à cet effet dès décembre 1991 ; une union économique globale comme dernière étape de ce processus d'intégration ; l'adoption d'une Convention portant sur les échanges de produits agricoles (entrée en vigueur le 14/7/1993), qui se fixe pour objectifs de promouvoir les potentialités agricoles et favoriser 1'écoulement des produits agricoles de base au niveau maghrébin, dans le but de parvenir à assurer la sécurité alimentaire pour l'ensemble de la population maghrébine ; l'adoption d'une Convention commerciale et tarifaire maghrébine le 10 mars 1991, qui préconise l'application des règles du libre échange pour les produits d'origine maghrébine échangés entre les pays membres. Elle comporte quatre protocoles d'accords relatifs aux règles d'origine, à l'application d'une taxe compensatoire unique de 17,5% retenue à l'importation, aux mesures de sauvegarde et un protocole portant liste des produits libérés des mesures non tarifaires ; sur le plan institutionnel, une Convention maghrébine a été adoptée en mars 1991 en vue de mettre sur pied une "Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur", chargée de mobiliser les fonds nécessaires au développement économique au niveau régional et de financer ou participer au financement de projets d'investissements maghrébins et d'opérations de commerce ; extérieur ; en vue de faciliter la mise en œuvre de ces instruments, l'UMA a adopté d'autres conventions complémentaires en matière de transport terrestre et de transit (23/7/1990) ou en matière d'assurance et de réassurance (1994). Elle a en outre initié divers programmes dans le domaine des infrastructures de base visant à renforcer les moyens de transport et de communication.

B- Sur le plan commercial , l’UMA a adopté les règles du démantèlement des droits de douane et des taxes d'effet équivalent, de l'abaissement graduel des barrières non tarifaires, de la condamnation du dumping et des subventions à l'exportation, de l'adoption du principe de la concurrence loyale entre les producteurs des pays de l'UMA; ceci dans la perspective de la libéralisation des échanges commerciaux entre les pays membres. Afin de tenir compte des pertes éventuelles qu'une telle libéralisation pourrait entraîner sur les recettes douanières des pays membres, l'UMA a entrepris une étude sur les différents mécanismes de compensation.

C- Sur le plan de la réglementation des investissements, les pays de l'UMA ont adopté des règles communes relatives à la garantie des investissements et à leur encouragement, allant dans le sens des règles reconnues sur le plan international en matière de non-discrimination, d'égalité de traitement et de libéralisation des exportations, ainsi qu'il ressort de la convention maghrébine relative à la promotion et à la garantie des investissements, signée en juillet 1990 et entrée en vigueur en juillet 1993, convention qui a constitué le point de départ d'une vaste réflexion sur l'incitation a l'investissement au niveau régional maghrébin.

III- Les implications socio-économiques de l'intégration et ses atouts
L'intégration économique consolidée du Maghreb est conçue, du moins dans les textes pour : tirer un meilleur parti ou bénéfice des ressources complémentaires des différents pays ; créer un marché de taille plus vaste susceptible d'entraîner de significatives économies d'échelle, indispensable dans un univers de compétitivité économique ouverte ; créer un climat économique plus favorable au Maghreb dans les échanges économiques internationaux.
La mise en œuvre de l'intégration renforcée devait passer par les conditions suivantes : contrôle renforcé de la croissance démographique au delà des évolutions "naturelles" ; reconquête des marchés intérieurs sur les produits intermédiaires où le Maghreb dispose, simultanément : des ressources naturelles, des ressources énergétiques, des ressources humaines et des compétences technologiques, des capacités de financement; spécialisation des pays dans les secteurs d'activités où ils disposent d'un avantage "naturel", du fait de leurs ressources, de leur situation géographique ou de leur capacité de financement, avec un souci affiché d'équilibrer les développements économiques entre régions ; harmonisation progressive des modes de vie et des spécifications technique des équipements et des produits. Il existe des atouts pour concrétiser ces objectifs, atouts susceptibles de leur permettre d'enclencher, assez rapidement, de fortes croissances de leurs économies analogues à celles observées dans d'autres régions du monde, notamment en Asie. Parmi ces avantages on peut citer : une population jeune éduquée et en pleine expansion, sur un vaste territoire ; une homogénéité culturelle que renforce l'unité linguistique; l'existence d'une élite importante et de qualité; des moyens financiers appréciables - même en situation de crise - qui placent la région en position confortable par rapport aux autres régions en développement; un potentiel énergétique, industriel et agricole prometteur, même s'il est inégalement réparti; la proximité de l'énorme marché européen et africain; la disponibilité de la communauté internationale et spécialement de l'Union européenne et les USA pour soutenir le gouvernement de la région (aides financières, délocalisations industrielles, ouverture des marchés, etc.).

Globalement outre une meilleure gouvernance passant par la démocratisation des sociétés maghrébines, tenant compte de leur anthropologie culturelle, sur le plan économique s’impose une nouvelle culture pour inculquer l'esprit d'entreprise afin d’intégrer la sphère informelle qui occupe plus de 50% de la superficie économique des pays du Maghreb et libérer l'ensemble des énergies créatrices loin des entraves bureaucratiques. Au niveau des pays du Maghreb notamment, cela passe par la coordination des politiques monétaires, commerciales, fiscales, douanières, et il serait souhaitable la mise sur place d'une banque centrale maghrébine qui serait un maillon du système européen des banques centrales afin de favoriser la création de la zone de libre échange Europe-Maghreb et accélérer la convertibilité intégrale des monnaies ce qui dynamiserait les échanges.
Il y a lieu d'accorder une attention particulière à l'action éducative car l'homme pensant et créateur devra être à l'avenir le bénéficiaire et l'acteur principal du processus de développement. C'est pourquoi nous préconisons la création d'une université maghrébine ainsi qu'un centre culturel de la jeunesse méditerranéenne comme moyen de fécondation réciproque des cultures, et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles. Dans ce cadre l’émigration maghrébine ciment des liens culturels peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. C’est un élément essentiel de ce rapprochement du fait qu’elle recèle d’importantes potentialités humaines, économiques et financières. Elle peut contribuer par des actions concrètes de promouvoir la synergie de systèmes privés, politiques et administratifs, pour développer une approche "coopération" avec l’Europe qui pourrait être mieux perçue par l’interlocuteur maghrébin qu’une approche purement commerciale.

IV- Un bilan très mitigé
L’UMA dont la création a été décidée politiquement depuis plus de deux décennies n’arrive toujours pas à se concrétiser. Ainsi, chaque pays de la région procède dans la gestion de ses relations extérieures avec les divers pays et blocs, en l’absence d’une coordination avec les autres pays de la région. Certains pays du Maghreb tentent d’assurer leurs propres intérêts et réaliser des acquis au détriment des autres pays maghrébins, alors que les autres blocs tels que l’Union européenne négocient en groupe leur partenariat avec ces pays (ceux du Maghreb) séparés. Cela fait que les rapports deviennent déséquilibrés. Les peuples de la région paient l’incapacité des élites à concevoir un projet commun.
Alors que le monde connaît des bouleversements sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale (1945), le Maghreb reste aux abonnés absents. Le constat est donc très mitigé. Le PIB mondial est évalué selon le FMI pour 2011 à 70.011 milliards de dollars, 17960 pour l’union européenne, 15064 pour les USA soit 33.024 (47,17%). Si l’on ajoute le Japon dont le PIB est de 5.855, nous aurons 55,54% pour environ un milliard d’habitants, la Chine ayant un PIB de 6988 soit 9,98% pour 1,3 milliard d’habitants. Si l’on prend en référence l’indice du développement humain, indicateur beaucoup plus fiable que le PIB, l’écart va en s’accroissant. Si l’on prend la région du Maghreb, dont les échanges commerciaux inter maghrébins ne dépassent pas 2/3%, le produit intérieur brut de l’ensemble des pays du Maghreb a été évalué en 2011 par le FMI à 409,445 milliards de dollars en 2011 contre 387,712 milliards de dollars US en 2010. Ce PIB global est artificiellement gonflé par la Libye et l’Algérie du fait du poids des hydrocarbures et les phosphates pour le Maroc. Ainsi le PIB du Maghreb représente en 2011 0,57% du PIB mondial, 2,40% du PIB de la communauté économique européenne et 2,72% du PIB américain étant légèrement supérieur au PIB de la Grèce qui connait une très gave crise d’endettement pour environ 12 millions d’habitants. Comparé à la population et au PIB allemand (3.328 milliards de dollars pour 82 millions d’habitants) et français (2.808 milliards de dollars pour 65 millions d’habitants), on mesure l’important écart. Le PIB maghrébin doit horizon 2020 quadrupler (1550 milliards de dollars à prix constants 2010) au minimum si l’on veut éviter des tensions sociales de plus en plus vives au niveau de l’espace Maghreb.

Le rapport de la Banque mondiale 2009 souligne que l’intégration maghrébine pourrait permettre une croissance du Maghreb de plus de 3/4% du PIB hors hydrocarbures gagnant ainsi plusieurs points qui auront une répercussion positive sur la création d’emplois et donc sur le niveau du taux de chômage. Alors on pourrait imaginer les importantes économies d’échelle, les gains de productivité si l’intégration maghrébine pouvait se réaliser. L’UMA a perdu plus de la moitié de son poids économique dans le monde entre 1980 et 2012, ses exportations qui représentaient environ 2% des exportations mondiales en 1980, représentent moins de 0,50% en 2012.
Et cela n’est pas propre au Maghreb puisque la part de l’Afrique dans le commerce international représentait 12 % il y a 20 ans, étant passée à 8 % dans les années 90 et actuellement, elle atteint à peine 2 %. Une étude réalisée par le Secrétariat de l’Union du Maghreb arabe (UMA) courant 2009 a montré que l’intégration économique dans la région lui ferait gagner 5 milliards de $ en investissement dont 3 en IDE/an et un nombre important d’emplois dans une zone où il y a trois (3) millions de chômeurs qui constituent 12% des actifs, ce qui correspondrait en matière d’échanges aux transactions conclues entre 2000 à 3000 PME maghrébines par an. L’augmentation des exportations pour les produits agricoles pourrait atteindre les 45%, ce qui correspondrait à 170 millions de $, ce qui représente près de 1% du PIB net agricole du Maghreb arabe. Quant au secteur électrique, il pourrait économiser près de 25% de sa production si les centrales électriques maghrébines sont intégrées. Et à supposer que la capacité de production pour les 20 prochaines années doit passer à 26 gigawatts, l’intégration permettrait d’en économiser 6,6 gigawatt. En réalité l’impact négatif de la non intégration est plus important si l’on tient compte des effets cumulatifs dus aux économies d’échelle et surtout le peu d’attrait des investisseurs potentiels intéressés par de grands marchés.

V- Conclusion générale : la non-intégration, une voie suicidaire
Il devient nécessaire, du fait de la densité de nos rapports culturels que les relations passionnelles soient transgressées dans le cadre des intérêts bien compris de chaque nation. Aussi, la dynamisation des relations entre les pays du Maghreb ne sera possible que si les dirigeants ont une vision commune du devenir commun de leur population et des enjeux géostratégiques mondiaux. La région peut devenir une région économique pivot, intégrant l’émigration ciment de l’inter culturalité et des échanges, pouvant être un sous segment de la dynamisation du continent Afrique enjeu du XXIème siècle qui habitera horizon 2020 plus de 1,5 milliard d’âmes et un quart de la population mondiale horizon 2035, nouveau vecteur de la croissance de l'économie mondiale sous réserve d'une meilleure gouvernance et de son intégration selon une vision pragmatique et progressive. Ce qui permettrait d’éviter ces images désolantes de jeunes fuyant tant le Maghreb que le continent Afrique à partir d’embarcations de fortune. Ce sera une condition fondamentale, afin de peser dans les grandes décisions internationales, les micros Etats en ce XXIème siècle n’ayant que peu d’impacts. Cela est possible pour peu que la volonté politique existe d’aller vers un Etat de droit, une gouvernance rénovée, la revalorisation du savoir loin des rentes, le mal étant avant tout en nous et les solutions existantes à notre portée. Cela passe également par des réformes institutionnelles et micro-économiques, la stabilisation macro-économique étant éphémère sans réformes de structures.

Ces actions collectives peuvent favoriser un partenariat gagnant/gagnant, loin de toute tutelle bureaucratique qui annihile la créativité, les Etats régulateurs devant favoriser la libre entreprise. Le problème central qui se pose aujourd’hui au pays du Maghreb (notamment la Tunisie, le Maroc et l’Algérie) est le suivant : après plusieurs années que l’Accord d’association avec l'Europe, cet Accord a-t-il permis - une coopération économique, financière et sociale orientée vers une véritable accumulation du savoir faire organisationnelle et technologique ? Et se pose également cette question lancinante : le Maghreb n’a-t-il pas besoin surtout management et également sans chauvinisme de capitaux étrangers qui ont besoin d’un marché large, l’ère des micros Etats étant dépassé, dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée ? Le chemin de la croissance ne peut être retrouvé que pour autant que l'appareil productif est modernisé et managé selon les techniques actuelles.
Deux conditions qui ne peuvent être remplies que si le Maghreb se met en partenariat avec des firmes qui participent à l'innovation. Pour que de telles firmes s'intéressent au Maghreb, il s'agit d'acquérir la crédibilité sur le plan institutionnel et politique, donc aller vers l'intégration, et offrir un Etat de droit , évitant l’instabilité juridique, une cohérence et une visibilité économique qui autorisent le calcul économique. C’est donc dans ce contexte que doit s’insérer la compréhension de la dynamique économique et sociale tenant compte tant de la stratégie des réseaux internes et externes ainsi que de l’urgence de nouvelles structures pour placer le Maghreb comme vecteur actif au sein de l’économie mondiale dont l’espace euro-méditerranéen et euro-africain constitue son espace naturel, en fait pour s’adapter aux futurs enjeux géostratégiques mondiaux horizon 2015/2020 qui seront déterminants pour son avenir s’il veut éviter des remous sociaux et politiques.

Par Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert international
Source de l’article Le Matin

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