Catalina Maroselli-Matteoli, auteur et avocate de la Méditerranéenne

Celle qui troqua le barreau d’Ajaccio et de Paris pour la plume, nous livre son nouvel ouvrage, Celle qui arriva voilée. Rencontre en immersion au XVe siècle au coeur de l’Euroméditerranée.
Quel est le sens caché sous le « voile » du titre ?
Le titre fait tout d'abord référence au contexte éblouissant de la Renaissance. Et, notamment, aux soieries et voiles précieux, élaborés jadis dans les fabriques de Prato, en Toscane. Dont certains se trouvent encore exposés dans le célèbre Musée du textile. Il s'agit ensuite d'une démarche de«Retours» illustrée par la superbe œuvre de Patrizia Pinzuti-Gintz, en couverture. Retour de cette fille d'immigrés corses établis de longue date à Florence vers ses repères ancestraux et soudainement attirée par la force tellurique de sa propre terre ! Avec beaucoup de courage et un petit pécule, elle gagne une forme de liberté culturelle, spirituelle même l'incitant à se forger un vrai destin ! D'où son côté charismatique !
Qu'a de commun la femme méditerranéenne d'aujourd'hui avec Mira, l'héroïne du livre ?
Par le fait d'être confrontée aux aléas de l'existence et aux changements brutaux, beaucoup de choses. Le parcours de Mira n'est en rien statique, mais jalonné de ruptures, de changements impliquant forcément des adaptations et des innovations. Avec la chance d'avoir pu acquérir des formations modernes, elle s'appuie également sur une culture méditerranéenne populaire. D'où cette faculté à rebondir faisant parfois défaut aux femmes méditerranéennes d'aujourd'hui. À commencer par le fait d'apporter à la vie, des réponses pratiques : être habile de ses mains, s'alimenter de manière simple, produire selon un mode naturel… C'est un moyen de surmonter les temps difficiles comme de se maintenir en bonne santé. Souvenons-nous de ce que nous devons à l'intelligence de femmes pauvres, à nos grands-mères et à toutes celles de nos villages. Elles qui, au fil des siècles ont élaboré et promu la très célèbre Dieta Mediterranea classée au Patrimoine Mondial de l'UNESCO. Il y a là, une réflexion à mener… Autrement dit, les méthodes de coaching ou de renforcement personnel ne connaîtraient pas un tel succès, si nous n'avions perdu des pans de cette belle culture créative !
D'où vient votre attirance pour l'Euroméditerranée du XVe siècle unités, de lieu et de temps, guidant vos recherches, et votre plume ?
C'est le prolongement d'une démarche de« Retours » vers un contexte historique, cette fois. Dans l'idée de faire émerger cette mémoire ancienne à dessein de réagir aux difficultés du temps présent. Avec à la base, la prévalence du travail et de l'action humaine. La réalité de l'Euro Méditerranée repose sur la vision expansionniste des marchands, se propulsant en divers pôles comme Barcelone, Marseille, Avignon… Ce fut une période de mobilité sociale, de sédimentation culturelle grâce à la volonté de génies bâtisseurs. On y échangeait en lingua franca, voire, en hébreu ! On peut, en effet, parler au quotidien de formation à la tolérance, à l'humanisme.
Dans quelle mesure ce monde d'alors, où la misère défie l'opulence, fait-il écho au nôtre ?
Le parallèle est frappant ! À la différence que désormais nous cédons volontiers à la facilité. Rien n'est tout blanc ou tout noir ! Depuis le commencement du monde, la misère défie l'opulence. Même s'il s'agit d'œuvrer bien sûr à atténuer les injustices. Et combien d'injustices le mécénat notamment a-t-il contribué à faire cesser ? Laurent de Médicis n'a-t-il permis de révéler le talent de Michel Ange ? Que dire de l'action humanitaire de la Fondation Rothschild ? De l'engagement de personnalités fortunées à venir en aide aux autres ? Si rien ne peut remplacer les interventions politiques publiques, l'état de misère ou de précarité appelle néanmoins des réponses dictées par l'éducation familiale. Volonté de s'en sortir, responsabilisation, ambition. Nos anciens, par leur ténacité et leur capacité d'adaptation au monde, ne nous ont-ils pas appris à relever le défi de la misère? A nous d'en tirer les leçons.
Quel est le message d'espoir et de tolérance de l'ouvrage ?
Que rien n'est désespérant, au contraire ! Crise ou pas, le fait de vivre, est, en lui-même enthousiasmant. L'histoire ayant hélas connu de pires moments.
Chaque personnage de ce roman, incarne à sa façon une force économique, morale et spirituelle. De nos jours, certains schémas de surconsommation ou de croissance à tout crin sont certainement à revoir. Avec du recul, il serait préférable de réfléchir à cultiver les valeurs positives qui donnent du sens à la vie. Sans oublier de se prendre personnellement en charge. Esprit d'entreprise, capacité d'innover, volonté d'aller de l'avant comme d'évoluer dans le vaste monde, voilà où Mira la juive, puise, envers et contre tout, la force de l'espérance ! Ce qui lui vaut cette étonnante modernité !
 Source de l'article Corse Matin
* Aux éditions Persée, «Celle qui arriva voilée».

1 commentaire:

Anonyme a dit…

interview réalisée par Lucile Caitucoli, journaliste à Corse-Matin