Les crises pèsent sur l’investissement dans les pays arabes de Méditerranée

La CNUCED vient de publier son rapport mondial des investissements qui restitue les flux financiers d’investissement direct étranger (IDE) entre les pays du monde. Malgré la crise économique, les IDE ont augmenté de 16% entre 2010 et 2011, pour atteindre 1500 Md$, mais le rapport pronostique que le niveau des IDE devrait diminuer globalement en 2012, notamment au premier semestre. Espérons que ce ne sera pas le cas partout, et que les pays arabes de Méditerranée qui ont été chahutés par les révolutions viennent de toucher un point bas.

Au total, les 10 pays du sud de la Méditerranée attirent en 2011 38,94 Md$ soit 2,6% des IDE mondiaux, quand ils pèsent pour 4% de la population mondiale. Ce montant qui représente presque 3 milliards de plus que l’an dernier, cache en réalité de telles disparité qu’il n’est pas possible cette année de parler de tendance homogène pour cette région : une légère baisse au Maghreb, imputable aux seules Tunisie et Libye ; une dégringolade très préoccupante en Egypte et en Syrie, le premier subissant une année de désinvestissement tandis que les autres pays du Mashrek limitent les dégâts et que la Palestine flirte avec ses meilleures années ; et des investissements qui doublent quasiment en Israël et en Turquie entre 2010 et 2011.


 
Dans sa globalité, le continent africain est stable comparé à 2010 en ce qui concerne les IDE entrants (-0,9% pour 42,7Md$ en 2011), les reculs des IDE en Egypte, Libye étant largement responsables de cette performance bien en dessous de la tendance mondiale, alors que l’Afrique du Sud bénéficie d’une multiplication par quatre de ses investissements sur un an, à 5,8Md$. 

L’Asie du sud-est affiche quant à elle une croissance bien au dessus de la moyenne mondiale, à 26% pour 117 Md$ d’IDE, avec des super performances de l’Indonésie, la Malaisie et Singapour (102 Md$ d’IDE à eux trois). 
Les pays « ouest asiatiques » qui incluent pour la CNUCED le Golfe persique et la Turquie subissent aussi les effets conjugués de la crise économique et des printemps arabes, et accusent une chute de -16,3% des IDE (à 48,7 Md$), à mettre principalement sur le compte du Qatar (désinvestissement) et de l’Arabie Saoudite (IDE divisés par deux). 
L’Amérique du Sud fait une excellente année (+34,4%) tirée par le Brésil, la Colombie et le Chili, et atteint pour la première fois un score à trois chiffres : 121,5Md$ d’IDE sur l’année. L’Amérique centrale et les Caraïbes restent stables sur la période. 
Les Balkans font également une très bonne année (+67,3%), notamment Serbie et Croatie, pour atteindre 6,65Md$. Parmi les pays CIS à l’est de l’Europe, notons outre la très bonne année de la Russie, les performances de l’Azerbaïdjan et de la Biélorussie qui multiplient leurs IDE par trois, et globalement la bonne tenue ou la progression des autres pays de la zone. 

A l’instar de l’inquiétude que nous manifestions dans notre Newsletter de Juin, la CNUCED constate dans son rapport que, du fait de la crise économique, de plus en plus de pays adoptent une approche restrictive par rapports aux investissements sortants, et mettent en place des stratégies pour rapatrier les investissements étrangers afin d’améliorer leur balance des paiements, de dynamiser leur création d’emploi et leur tissus industriel.
Comme chaque année, la CNUCED fait le point sur le nombre de traités commerciaux ou d’investissement signés entre pays, et note que de plus en plus d’accords incluent dorénavant un volet développement durable, ou lié à la responsabilité sociale des entreprises.

Pour accompagner cette tendance, le rapport 2012 introduit cette année un nouveau classement, le « FDI Contribution Index », qui tente d’évaluer la contribution au développement économique des IDE implantés dans chaque pays. La CNUCED évalue notamment les critères de valeur ajoutée créée, d’emploi, d’exportation, de contribution fiscale, de salaire, de dépenses en R&D et en capital. Avec des résultats parois surprenant, les rédacteurs considérant par exemple que la Turquie ou l’Algérie, au même titre que la Grèce, Taiwan ou le Japon, sont des pays qui sous performent, tant au niveau du stock d’IDE rapporté au PIB qu’au niveau de la contribution de ces IDE au développement économique du pays.
La CNUCED accompagne ce classement de propositions en faveur du développement de politiques pour l’investissement « nouvelle génération », favorisant une croissance inclusive et le développement durable. Si la méthodologie reste à affiner, cette démarche intéresse ANIMA au plus haut point et se situe dans la droite ligne de nos travaux sur les retombées économiques des IDE et l’investissement socialement responsable. Elle ouvre la voie à de possibles collaboration entre notre réseau et la CNUCED pour accompagner ces nouvelles politiques.
 
Par Emmanuel Noutary - Délégué Général, ANIMA
Source de l'article Animaweb

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