Conférences Medfel 2012 - La Méditerranée, le Printemps et la crise

Toute comme Rome ne s’est pas bâtie en un jour, les pays du Printemps arabe ont besoin de temps pour asseoir leur nouvelle donne politique. Mais quoi qu’il arrive, il est primordial que l’agriculture revienne au cœur du projet euro-méditerranéen.

Olivier Masbou : Pascal Boniface, où en est la zone méditerranéenne après le Printemps arabe et alors que la zone euro est en pleine crise économique et financière ?
Pascal Boniface :
 Comme toujours, il faut distinguer le Nord et le Sud. Ils sont unis dans un destin commun mais leur situation à la fois économique et sociale est différente. Des deux côtés, les différences nationales l’emportent sur l’appartenance commune. Ce que l’on a appelé le Printemps arabe était une formule pratique pour désigner des processus bien plus complexes. Il y a une vraie révolution en Tunisie, une révolution doublée d’un coup d’Etat en Egypte, une guerre civile avec une participation extérieure en Libye, une répression continue en Syrie… Et en Europe, la crise a plutôt concerné les pays du Sud que ceux du Nord. C’est plus une crise de la dette qu’une crise de l’euro. L’euro a été victime de l’endettement excessif des pays européens. Ce sont les pays du Sud que cette crise a atteint assez fortement : la France qui a perdu son triple A, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et chacun a pris des solutions à la fois nationale et en même temps, au dernier moment, de sommets de la dernière chance en crises successives, on a trouvé un accord pour sauver l’euro. On a souvent accusé l’Europe de ne pas être solidaire. Or, voici un chiffre qui m’a été donné par des économistes africains et qui m’a beaucoup frappé : l’Europe a consacré 350 milliards d’euros pour aider la Grèce (10 millions d’habitants), alors que chaque année l’aide publique mondiale au développement pour l’Afrique s’élève à 50 milliards pour 1 milliard d’habitants. On voit qu’il y a une vraie solidarité européenne quoi qu’on en dise.
Michel Bru : Que peut-on penser aujourd’hui ?
Pascal Boniface :
 Que les choses progressent. Bien sûr il ne fallait pas s’attendre à un mouvement global. Dès le départ beaucoup de gens disaient qu’il y aurait un effet domino dans l’ensemble du monde arabe et que les 22 régimes allaient tomber les uns après les autres. Non. Une fois encore, les situations nationales sont différentes et génèrent des choses différentes. Il y a une demande d’ouverture des sociétés civiles, mais dont le développement est différent et tous les régimes arabes ne vont pas tomber parce que certains ne sont pas exposés aux mêmes insatisfactions. On a beaucoup dit que c’était un appel à la démocratie en Egypte, en Tunisie. Ce qui me frappe, c’est que dans ces deux pays, mais aussi partout dans le monde, quand il y a des protestations, c’est aussi des protestations contre la corruption. Il ne fallait pas s’attendre à ce que la révolution – Mao disait déjà que ce n’était pas un dîner de gala – se règle en 24 heures. Il est tout à fait normal qu’en Tunisie, qu’en Egypte il y ait encore des soubresauts. Rappelons-nous ce qu’ont été les processus révolutionnaires dans les pays européens. Je crois qu’il faut être patient, il faut accompagner, c’est dans ces moments-là, que ces pays ont besoin de nous, que les investisseurs, que les partenaires doivent être présents et non pas fuir, parce que même s’il y a des soubresauts, les choses s’améliorent. Il ne faut pas s’affoler si la Tunisie n’est pas devenue en 24 heures une sorte de Norvège délocalisée au Sud de la Méditerranée. Ça prendra du temps, mais on voit que les choses progressent.
Christian Bourquin et Pascal Boniface
M. B. : Ces pays sont en pleine transition. Quel va être leur profil politique demain ?
Sébastien Abis :
 C’est un profil positif qui est en train de se dessiner. Pour reprendre ce que disait Pascal Boniface, l’une des leçons que les révoltes ont enclenchées est de montrer la grande différence entre chacun des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée avec des aspirations qui ne sont pas toujours convergentes, des trajectoires politiques qui vont être contrastées, des vitesses de transition qui sont également très variables. Ce qui est certain, c’est qu’il va falloir accepter que ces pays puissent mettre en place des systèmes politiques, qui ne répondent pas aux critères habituels, ou en tout cas aux modèles que l’Occident aurait souhaité voir s’imposer. Il faut faire confiance au jeu démocratique, accepter la pluralité des acteurs, accepter les nouvelles forces politiques et sociales qui sont en train de s’installer. Et considérer que ces pays peuvent inventer eux-mêmes un modèle politique, un modèle institutionnel, qui ne soit ni le consensus de Pékin, ni le consensus de Washington. Il faut ajouter qu’il y a un grand réalisme et un grand pragmatisme de la part des gouvernements qui se sont mis en place ces derniers mois, notamment sur les affaires économiques. Il n’y a pas un gouvernement islamiste, que ce soit au Maroc, en Tunisie ou en Egypte, qui n’ait pas maintenu une obligation de commerce extérieur, de libéralisation économique et d’ouverture sur les échanges, parce que ces pays sont contraints, compte tenu de leur propre problématique domestique, d’avoir un rapport à l’extérieur au niveau commercial et notamment sur le plan alimentaire.

O. M.  : Où en sont les échanges économiques entre les pays des deux rives de la Méditerranée ?
Thierry Pouch :
 Si on prend un seul secteur important, le secteur agroalimentaire français, pour l’année 2011 il a dégagé un excédent important. Ce que l’on remarque de façon très nette c’est la croissance fulgurante des exportations de céréales à partir de France vers ces pays de la rive Sud méditerranéenne. C’est important quand on connaît la fragilité de ces pays en matière de sécurité alimentaire, ce qui pose un problème pour approvisionner les populations et donc pour la stabilité politique de ces pays. Mais il y a un deuxième point : il faut que ces pays diversifient leurs sources d’approvisionnement dans la mesure où ils ne peuvent pas dépendre uniquement des pays de la mer Noire qui sont des gros producteurs de céréales. Il faut aussi que ces pays se tournent vers l’Union européenne, et vers la France en particulier, pour pouvoir s’approvisionner régulièrement et à des prix qui, même s’ils sont encore très élevés, peuvent être en tout cas négociés. Ce qui veut dire que l’UE a une carte à jouer en matière de partenariat commercial car ce doit être la priorité que d’approvisionner ces régions en matières premières agricoles et en biens alimentaires avant que ces pays ne puissent prendre leur essor avec des politiques agricoles adaptées à leur situation climatique, à leur situation économique, à leur situation sociale.
O. M.  : Est-ce que c’est la mission de l’Europe, de la France, de nourrir ces pays ?
Thierry Pouch :
 C’est un vieux débat. Cela avait d’ailleurs été un grand reproche qui avait été adressé à la politique agricole commune. Il y avait même eu dans les années 90 une controverse au sujet de la vocation exportatrice de la France. Il est clair que, avant qu’un pays ne puisse s’autosuffire en matières alimentaires, il lui faut un certain nombre d’années. L’expérience de la Pac le montre. C’est une politique qui a été créée au début des années 60 et on a atteint l’autosuffisance à peu près dans les années 70. Cela demande beaucoup d’investissements, beaucoup d’interventions publiques, beaucoup de moyens financiers pour moderniser un secteur et le propulser vers l’autosuffisance. Les pays de la Méditerranée, dans un premier temps, ne peuvent que s’approvisionner sur le marché. Ensuite, si effectivement à l’instar de l’Algérie par exemple, il y a des volontés politiques d’anticiper ce qui peut se passer d’ici dix-quinze ou vingt ans, ne serait-ce qu’en matière de diminution des réserves énergétiques, il va bien falloir qu’ils réfléchissent à la mise en place de politique structurelle agricole adaptée à leur situation locale.

O. M.  : La sécurité alimentaire dans les pays de la rive Sud est vitale, stratégique. Est-ce le rôle de l’Europe que d’accompagner ces pays et de les aider à résoudre ce problème ou faut-il être froid et cynique et faire du business tant qu’on peut faire du business ?
Pascal Boniface :
 Les deux ne sont pas incompatibles. En fait, le rôle de l’Europe est de défendre ses intérêts. Défendre ses intérêts, c’est prendre en compte l’environnement parce que la situation et la stabilité à la fois sociale et politique de ces pays font partie de nos intérêts. On peut leur vendre des choses, c’est notre intérêt, et puis après, eux ne vont pas nous demander l’autorisation de produire ou de ne pas produire. Ils vont se développer au fur et à mesure des possibilités. Il faut aussi prendre en compte que dans ces pays comme ailleurs il y a un phénomène d’urbanisation extrêmement important et que l’urbanisation vient changer non seulement les sociétés mais également les modes alimentaires. Le développement de nos voisins du Sud fait partie de nos intérêts bien compris, cela élargit les marchés et fait des partenaires plus ouverts, plus fiables.

M. B. : Pourquoi ces questions de sécurité alimentaire n’ont pas été traitées comme il le faut au sein de l’UpM ?
Sébastien Abis :
 C’est un vieux débat mais avant de répondre directement à votre question, je voudrais compléter la discussion précédente en rappelant que, bien entendu, ces pays cherchent depuis des années, depuis leur indépendance, à développer leurs agricultures et à limiter leur dépendance envers les marchés extérieurs. Néanmoins, les contraintes démographiques, les contraintes environnementales, le manque de terre, le manque d’eau, le changement climatique, l’urbanisation…, tous ces phénomènes, toutes ces dynamiques contribuent à renforcer la dépendance des pays arabes envers les pays internationaux. Pour l’année 2011 les importations agricoles des pays arabes méditerranéens dépassent 40 milliards de dollars. Et cette dépendance va s’amplifier dans les années à venir. La deuxième chose, c’est que cette dépendance passe par une diversification des approvisionnements. L’Europe est un partenaire important en termes de couverture alimentaire mais elle n’est plus seule. Ces pays ne veulent plus rester dans un face-à-face exclusif avec l’Europe. Donc sur le terrain alimentaire, les pays du Maghreb ou du Proche-Orient commercent de plus en plus avec le Brésil, mais également avec tous les pays de la mer Noire pour leur couverture céréalière. Ce qui pose une vraie question pour l’Europe et pour la France en particulier : utilise-t-on le potentiel agricole et céréalier de l’Europe pour, non pas nourrir l’ensemble de la planète mais nourrir un espace voisin dont le développement et la stabilité conditionnent le propre développement et la croissance en Europe ? La question pour l’Europe est triple : il faut produire mieux parce que la contrainte environnementale se précise, produire plus parce qu’il va bien falloir nourrir une population croissante, mais il faut aussi s’interroger sur le “produire pour qui”. L’Europe aujourd’hui doit faire le choix géopolitique de nourrir son espace voisin méditerranéen où les enjeux sont considérables. Alors pourquoi l’Union pour la Méditerranée n’a pas placé la question agricole en tête de son agenda stratégique ? C’est une vieille histoire dans l’affaire euro-méditerranéenne d’avoir marginalisé les questions agricoles et alimentaires dans l’arrière-cour de la coopération régionale. On a mis l’accent sur d’autres terrains et on a un peu oublié cette question. Aujourd’hui il est grand temps de remettre l’agriculture au cœur du projet et du dialogue euro-méditerranéens.

O. M.: Thierry Pouch, au sein de l’UE, quelles sont les instances qui réfléchissent à la construction de cette stratégie alimentaire ?
Thierry Pouch :
 Il y a une incertitude importante qui a émergé avec la crise : l’UE n’a plus les moyens de ses ambitions. De par la crise des dettes souveraines, il y a une remise en cause d’un certain nombre de plans d’aide au développement. Et du coup l’Union européenne pourrait être fragilisée vis-à-vis d’un certain nombre d’autres puissances émergentes qui, prenant conscience de ce phénomène, pourrait se substituer à elle pour favoriser et aider financièrement le développement d’un certain nombre de pays de la Méditerranée. C’est ce qui s’est passé avec la Chine et l’aide qu’elle a apportée à des pays comme la Grèce ou l’Espagne. Elle a agi ainsi notamment parce qu’elle a vu l’opportunité d’une ouverture vers les pays d’Afrique du Nord. La Pac a subi un certain nombre de réformes depuis le début des années 90. Cela donne une Pac dont les ambitions ont été revues à la baisse et en particulier en matière de prix administrés. Et dans la future mouture 2014-2020, ce sera une toute petite partie qui sera consacrée aux outils de régulation de marché. Ce qui est important désormais dans la Pac, c’est la sécurité alimentaire au sens de sécurité sanitaire, mais aussi le déploiement d’un certain nombre de mesures pour respecter l’environnement. On peut se poser la question si, avec cette réforme, l’UE a encore une ambition agricole, non pas pour nourrir le monde mais au moins pour être présente sur les marchés mondiaux.

Sébastien Abis : Je voudrais ajouter que dans cette question de la place de l’agriculture et des questions alimentaires dans l’échange euro-méditerranéen il y a bien sûr des avantages à trouver pour l’Europe, si elle décide de maintenir l’agriculture comme un facteur de puissance. Et il y a aussi des intérêts au Sud de la Méditerranée. Il ne faudrait pas qu’on tombe dans un schéma où une plus grande attention aux questions agricoles en Méditerranée ne serait profitable qu’aux acteurs européens. Au Sud de la Méditerranée aujourd’hui il y a aussi à valoriser une agriculture de qualité avec des produits typiques, traditionnels, capables de conquérir des marchés qui sont demandeurs de ce type de produits et cela renvoie à la problématique de l’urbanisation de ces territoires. L’une des leçons du Printemps arabe – et le scénario tunisien l’a très bien montré – c’est qu’il y avait non seulement un problème sur la vie politique, la corruption, la vie chère, mais il y avait aussi deux mondes qui commençaient à s’ignorer, à ne plus se connaître. Un monde urbain, littoralisé, globalisé, branché sur la modernité, la mondialisation des échanges et des mondes ruraux à l’intérieur des territoires, abandonnés par les Pouvoirs publics, oubliés par les investisseurs, un peu enfermés au XXe siècle et dont l’activité principale reste l’agriculture. Cette fracture entre le monde urbain littoral et les mondes ruraux de l’intérieur est une vraie question pour le développement de ces pays qui doivent réinventer une croissance beaucoup plus inclusive sur le plan territorial. J’aimerais rappeler qu’au Sud de la Méditerranée nous n’avons pas de dépeuplement des campagnes. Il y a un phénomène d’urbanisation, mais numériquement, nous n’avons jamais eu autant de monde dans les campagnes au Maghreb et au Proche-Orient. Donc nous sommes bien sur une problématique de « que proposer à ces populations rurales » à l’heure où le mirage urbain a sans doute également disparu et que la migration reste extrêmement compliquée. Il faut bien réinventer, relancer un secteur agricole capable de conquérir, pas simplement l’international, mais aussi le monde urbain littoralisé.

O. M.  : Une future Pac tournée vers le citoyen européen va oublier la dimension stratégique de l’agriculture ?
Pascal Boniface :
 Les deux ne sont pas incompatibles. Il y a une pression sur la santé, sur la qualité de vie, sur la dimension aménagement du territoire de l’agriculture. Mais ces aspects, qui sont importants, ne doivent pas faire oublier la mission première de l’agriculture. La mission première, ce n’est pas la qualité de l’air ou l’aménagement du territoire, c’est de nourrir la population. De ce côté-là, l’échec du cycle de Doha est plutôt une bonne nouvelle pour l’agriculture française et européenne. J’ai plutôt le sentiment qu’il y a une prise de conscience, que les projets où effectivement l’agriculture passait au second plan ont été bouleversés par les événements géostratégiques qui sont survenus. Les émeutes de la faim, mais pas seulement, ont remis au goût du jour l’agriculture comme arme stratégique.
Sébastien Abis : La France a repris conscience de la valeur stratégique de l’agriculture mais les pays du Sud de la Méditerranée n’ont jamais oublié à quel point c’était un enjeu fondamental sur le plan du développement des sociétés mais aussi de leur performance économique. Le Maroc, suite à la crise alimentaire de 2008, a mis en place le Plan Vert qui vise précisément à relancer l’agriculture locale et à tempérer la dépendance envers les marchés internationaux. Et puis, la performance économique permet parfois d’éviter une catastrophe économique. La Tunisie en 2011 a eu une croissance quasi nulle mais qui a été sauvée de résultats bien pires par les performances du secteur agricole restées extrêmement bonnes. Ces pays peuvent, grâce à leur performance agricole, réussir à être dans des schémas de croissance un peu étonnants. Je voudrais aussi citer un autre phénomène qui montre bien que le commerce agricole, notamment sur les produits de base comme le blé, transcende les frontières de la diplomatie et de la géopolitique. Aujourd’hui, on ne le sait pas forcément, les Etats-Unis continuent de vendre du blé à l’Iran malgré le régime de sanctions commerciales et le différend politique entre ces deux pays. Le jeu du commerce de produits de base comme le blé dépasse et fait fi de l’aléa politique. Il n’y a pas un bateau français de céréales qui n’ait pu décharger au Sud de la Méditerranée malgré les révoltes, malgré les turbulences. Cela continue en Syrie, ça a continué en Libye.
J’ajouterai deux choses pour compléter sur les valeurs stratégiques de l’agriculture. Il faut insister sur le fait que, contrairement à une idée reçue, l’innovation, la modernisation, la recherche scientifique, agronomique sont extrêmement performantes dans ce secteur, y compris au Sud de la Méditerranée où pour dompter les caprices de la géographie et du climat, on est contraint de mettre en place des systèmes technologiques de plus en plus performants. Alors évidemment la question de l’eau est centrale dans l’équation alimentaire de ces pays. Il s’agit bien de limiter les gaspillages par la modernisation des infrastructures. Et par ailleurs, plutôt que de condamner l’activité touristique qui apporte aussi énormément de retombées dans ces pays, on ferait mieux de regarder les grands enjeux géopolitiques dont l’impact peut avoir sur le plan alimentaire des conséquences importantes. Je voudrais signaler à ce sujet que l’Egypte, qui est le premier acheteur mondial de blé, dépend pour son agriculture de l’irrigation via l’eau du Nil. Je rappelle qu’actuellement plusieurs pays africains, profitant de la faiblesse conjoncturelle de l’Egypte, cherchent à renégocier le traité du partage des eaux du Nil en défaveur des autorités égyptiennes. Si cet accord est revu en défaveur des autorités égyptiennes, les conséquences géopolitiques sur l’Egypte, y compris sur le plan alimentaire et de sa production, seront importantes et c’est bien sur ces enjeux-là qu’il faut pointer l’analyse stratégique davantage que sur le secteur touristique.

M. B. : Si l’Europe n’a plus les moyens de ses ambitions, est-ce que les pays du Sud doivent prendre leur avenir en main ?
Pascal Boniface :
 C’est ce qu’ils font et je rejoins ce que vient de dire Sébastien Abis, il y a une forme de dialogue qu’il faut jeter à la rivière. On se félicite que ces pays soient devenus des démocraties, on ne va pas choisir à leur place leurs gouvernants. Il y a des réactions qui aggravent les phénomènes que l’on veut combattre. Il faut bien se rendre compte que la grande évolution stratégique mondiale, mais qui vaut bien sûr pour la Méditerranée, c’est que le monde occidental a perdu le monopole de la puissance. Si la fin de la guerre froide c’est 50 ans d’histoire qui s’est clôturée. Là, c’est cinq siècles. Cinq siècles d’histoire depuis 1492. Donc il faut qu’on change nos comportements dans le dialogue avec ces pays. Ce sont des partenaires qui prennent leur destin en main et qui le font déjà. Nous sommes désormais entre partenaires égaux et si on a une approche misérabiliste ou condescendante, on va perdre du terrain sur les autres. Il y a un effort à faire sur nous-mêmes parce que, il ne faut pas se leurrer, l’histoire de la Méditerranée a quand même été, historiquement, une histoire de domination d’une rive sur l’autre. Et c’est cela qui n’est plus accepté, qui n’est plus acceptable. Si l’on veut continuer à être influent dans cette partie du monde, il faut mettre ces comportements de côté.
Cet article est un résumé de la conférence inaugurale de Medfel 2012 qui s’est tenue le 24 avril. Les intervenants étaient Pascal Boniface , directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, Sébastien Abis, administrateur au Secrétariat général du CIHEAM, et Thierry Pouch, économiste à l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture. La table ronde était animée par Michel Bru (Réussir fruits et légumes) et Olivier Masbou (Fld hebdo).
Par Olivier Masbou
Source de l'article Fldhebdo
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