Le Proche-Orient bouleversé par une vague de révolutions

Les dictateurs au pouvoir depuis vingt à quarante ans en Tunisie, Egypte et Libye ont été renversés par une vague sans précédent de révoltes populaires qui menace la Syrie.

Ce qu'il est convenu d'appeler le printemps ou, plus en vogue au sud de la Méditerranée, « le réveil » arabe a éclaté sans crier gare il y a un an exactement pour s'imposer comme l'événement géostratégique majeur de 2011. Provoquant d'ailleurs une flambée de 25 % du prix du pétrole.

En quelques semaines, Ben Ali, au pouvoir en Tunisie depuis 1989 et Hosni Moubarak, pharaon d'Egypte depuis 1981, ont été balayés par une révolte populaire relayée par Facebook et Twitter et conclue par un coup d'Etat feutré de l'armée. Un séisme, pour un monde occidental convaincu que les peuples arabes resteraient indéfiniment apathiques, sous la coupe de régimes corrompus et sanguinaires. Les images de foules immenses criant « Dégage », en français, à Ben Ali ou Moubarak, leur ont donné tort.

Galvanisés par ces exemples, les Libyens et les Yéménites, puis les Syriens se sont à leur tour soulevés. Mais Mouammar Kadhafi, Ali Saleh et Bachar al-Assad n'ont pas souffert de défections massives parmi leurs forces de répression. La guerre civile libyenne a conduit l'ONU à donner un feu vert ambigu à une intervention de l'Otan, ainsi que des Emirats arabes unis et du Qatar. Au moment où, le 19 mars, les forces de Kadhafi s'apprêtaient à écraser le dernier bastion des insurgés à Benghazi, les avions français, suivis par les britanniques, ont donné le signal d'un renversement de situation. Cette première intervention de l'Otan dans un pays arabe (malgré l'opposition remarquée de l'Allemagne et où les Etats-Unis ont, de manière inédite, été en retrait) a conduit à la chute du régime fin août. Doyen des dictateurs de la planète, avec quarante et un ans de pouvoir, Mouammar Kadhafi a été retrouvé le 20 octobre et exécuté. Pour sa part, le président yéménite, au pouvoir depuis 1978, a déclaré fin novembre qu'il quittera le pouvoir en janvier.

Un hiver islamique
Le bilan humain de ces révolutions appuyées tantôt par les armées nationales, tantôt par la diplomatie d'Occidentaux essayant de faire oublier combien ils avaient soutenu ces régimes au nom de la stabilité, s'établirait à quelques centaines de morts en Tunisie, un millier en Egypte, 25.000 en Libye, selon Tripoli, 3.000 au Yémen et 5.500 en Syrie, d'après l'ONU. Et rien ne semble plus pouvoir être comme avant dans un Proche-Orient où, pour la première fois, la justice a poursuivi des dictateurs déchus.

Pour autant, l'économie de ces pays est en panne et la transition vers la démocratie malaisée. Si un gouvernement de transition est en place en Tunisie après quelques difficultés, l'armée égyptienne tarde à passer le flambeau et réprime les manifestations. Après le printemps arabe, certains redoutent aussi un hiver islamique, puisque les Frères musulmans et les salafistes ont très largement remporté les élections organisées en Tunisie, Egypte, Maroc. 2012 sera crucial. L'enjeu de cette région n'est rien de moins que de créer 50 millions d'emplois dans les deux ans à venir, selon la Banque mondiale. Les partis islamistes instaureront-ils la démocratie ou dériveront-ils vers une théocratie à l'iranienne ? L'Iran antioccidental, précisément, pourrait perdre en le régime syrien son seul allié dans une région clef, puisque abritant la moitié des réserves mondiales prouvées d'hydrocarbures.
YVES BOURDILLON, Les Echos

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