Sur la rive sud de la Méditerranée, l'Europe n'est plus seule

Face au poids des Etats-Unis au Maghreb et au renforcement de la présence économique des BRICS, l'Europe tente de reprendre l'avantage dans la région.
C'est comme un vieux couple qui n'aurait pas bien pris soin l'un de l'autre et dont l'un des deux -l'Europe -essaie de se ressaisir quand il voit l'autre -la Tunisie -faire de nouvelles conquêtes.

Cette Europe qui a déçu en ne soutenant pas la révolution aussi tôt que les Etats-Unis cherche à se rattraper. L'Union européenne vient d'annoncer un financement de 4 milliards d'euros, sous forme de prêts et de dons, destiné à soutenir l'activité économique du pays entre 2011 et 2013.
La Commission européenne dit aussi vouloir revoir les négociations commerciales des accords de libre-échange « sur une autre base ». La Tunisie a été le premier pays du Maghreb, en 1998, à signer un accord d'association avec l'Union européenne.
Avec le Maroc et l'Algérie, elle s'est longtemps plainte de l'absence d'ouverture des marchés européens à ses produits agricoles. « Les accords d'association, partiels, ne comprenaient pas l'agriculture parce que la politique agricole commune (PAC) ne devait pas être bousculée, avance El Mouhoub Mouhoud, professeur à l'université Paris Dauphine. Les accords d'association étaient donc asymétriques, au détriment des pays du Sud, et insuffisants. »
Ils n'étaient pas non plus motivés par des raisons économiques, ajoute-t-il, mais par « un pacte dans lequel les nomenklaturas au pouvoir recevaient une légitimité politique en échange d'un accord d'association qui n'était favorable qu'à ces nomenklaturas ; un pacte qui, aujourd'hui, a totalement implosé ». D'où la décision de Bruxelles de revoir l'accord de libre-échange.

Une concurrence nouvelle
Avant de se lancer dans l'intégration Nord-Sud, la priorité est « l'intégration Sud-Sud », notamment autour de la Turquie, insiste El Mouhoub Mouhoud.
Cette intégration a commencé après les années 2000. La visite, mi-septembre, du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en Egypte et en Tunisie, n'a fait que l'officialiser.
« L'Europe a intérêt à bouger, conclut ce professeur d'économie, d'autant qu'il y a une éviction possible - une concurrence nouvelle en tout cas -des firmes européennes par les Etats-Unis.
Ils ont été les premiers à soutenir la révolution tunisienne, et ce n'est pas anodin. »« L'Europe n'est pas seule dans cette région, renchérit Sébastien Abis, analyste politique au Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam).
Les Etats-Unis sont très présents, tout comme la Chine, l'Inde et le Brésil. Les BRICS représentent aujourd'hui de 15 à 20 % des importations des pays arabes. L'Europe reste le premier partenaire, mais son influence décline. »

Renforcer ses relations
On oublie ainsi souvent que les phosphates marocains sont essentiels à l'agriculture indienne. Que la Chine arrive dans ces pays en deuxième ou troisième position en termes d'importation (hormis pour le Liban).
Ou, comme l'a compris le Brésil, que les pays arabes sont les premiers acheteurs au monde de produits agricoles.
Les volumes d'échange entre les BRICS et les pays du sud et de l'est de la Méditerranée ne sont pas comparables à ceux de l'Europe, mais leur part s'accroît. En 2010, les BRICS ont ainsi vendu pour 65 milliards d'euros dans la région, soit 24 % de plus qu'en 2009. Les exportations des pays méditerranéens vers les BRICS augmentent, elles aussi : 19 milliards d'euros en 2010 contre 13 milliards en 2009.

Cette Europe qui semble aujourd'hui vouloir renforcer ses relations avec l'autre rive de la Méditerranée « ne doit pas décevoir à nouveau », conclut Sébastien Abis. En cette veille d'élections tunisiennes, où le mouvement islamiste Ennahda est donné favori, gare à « ne pas rétropédaler » dans l'engagement en cas de poussée de l'islamisme, prévient-il.

Par Marie Christine Corbier - LesEchos.fr
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