Méditerranée - Innovations et développement dans les pays méditerranéens

Le GDR-I DREEM a organisé son premier colloque en 2009 à Istanbul autour du thème « inégalités et développement dans les pays méditerranéens ». Son deuxième colloque international sera organisé dans le cadre de l'année de la science et de la technologie de la France en Egypte, au Caire, les 13 et 14 décembre 2010, autour du thème de l'innovation, au sens large du terme, et du développement des pays méditerranéens.
Depuis les vingt dernières années, la notion d'innovation est d'autant plus mise en avant dans les analyses économiques que les technologies de l'information et de la communication se sont diffusées massivement dans l'économie et que le contenu en connaissance et en information des activités s'est considérablement accru.
L'innovation de procédés s'apparente au progrès technique en général et induit des changements structurels dans l'économie et la société. L'innovation de produit correspond à la mise au point/commercialisation d'un produit permettant d'augmenter la différenciation aux yeux des consommateurs. Cette acception technologique de l'innovation a été privilégiée pour l'analyse de la croissance, de la nouvelle théorie du commerce international, des écarts de développement et des performances extérieures des économies.
La théorie de la croissance endogène a privilégié le rôle de l'innovation technologique et du capital humain pour expliquer la croissance économique, la convergence ou la divergence entre les économies. De même, les disparités entre pays ont souvent été abordées à travers les écarts d'innovation, en matière de recherche et développement, de brevets déposés, de citations... Une littérature abondante a par exemple insisté sur les blocages des effets d'entraînement des investissements directs étrangers dans la diffusion des connaissances dans les pays d'accueil en développement en particulier. Mais peu de travaux de ce type ont été menés au niveau microéconomique dans les pays du Sud de la Méditerranée.
Plus récemment, la « nouvelle nouvelle théorie » du commerce international en cours d'élaboration (Marc J. Melitz et Pol Antras) met l'accent sur l'hétérogénéité intra-branche des firmes, c'est-à-dire les variations observées au niveau des firmes notamment en termes de productivité et d'innovation technologique mais aussi organisationnelle. La modélisation montre alors qu'un petit nombre de firmes globales déjà engagées dans l'exportation, l'investissement direct étranger (IDE) ou l'outsourcing, et des firmes domestiques non engagées dans ces activités coexistent dans les mêmes secteurs et présentent de larges écarts de productivité. Si des travaux empiriques récents ont été développés dans le cas des pays industrialisés, avec des résultats pertinents, peu de travaux concernent les pays méditerranéens. Les travaux sur données individuelles dans le cas des pays du sud de la Méditerranée pourront venir utilement remplir ce manque.
De même, les travaux de la nouvelle économie géographique ont largement insisté sur le rôle particulier de la localisation des activités technologiques, de R&D et d'innovation en général dans l'explication des concentrations et des inégalités régionales. Les travaux sur l'hétérogénéité des firmes en matière d'innovation qui insistent sur les processus de sélection et de sortie des firmes permettent de renouveler ces approches et appellent des travaux spécifiques dans les pays méditerranéens.
Mais on ne peut se contenter de réduire l'innovation à sa dimension technologique. Des analyses récentes insistent sur la nécessité de dépasser cette vision matérielle de « l'innovation visible » à travers les critères habituels de mesure de la productivité et du progrès technique pour s'intéresser aux innovations non directement visibles, à l'instar de la montée considérable de l'économie des services et de l'immatériel dans les économies développées comme dans les économies émergentes.
La performance d'un pays mesurée par le taux de croissance de son PIB et des gains de productivité soulève aussi de sérieux problèmes de définition et de mesure. Les innovations institutionnelles sont également à considérer dans les pays du Sud de la Méditerranée ainsi que les innovations financières. Ainsi, peut-on s'interroger sur les liens entre les innovations financières et la finance islamique qui se développe au Sud comme au Nord de la Méditerranée.
Les innovations environnementales sont également assez mal prises en considération par ces acceptions de l'innovation et de ses résultats. Prendre en compte les innovations organisationnelles, institutionnelles ou sociales dans l'analyse des performances microéconomiques ou macro­économiques apparait fondamental.
Cependant, il ne suffit pas d'engager des innovations pour afficher des performances de croissance, de compétitivité et de rattrapage. Il faut également développer des stratégies particulières de protection de la propriété intellectuelle, d'alliances stratégiques dans les activités d'innovation et de promotion du capital humain. Toutefois, la protection de la propriété intellectuelle peut avoir des effets ambigus. Elle peut favoriser la production voire la diffusion des connaissances mais également à partir d'un certain seuil, bloquer leur diffusion dans les pays du Sud.
Au niveau macroéconomique, des politiques de sélectivité d'immigration qualifiée répondent en principe à ces besoins de consolidation de l'économie de l'innovation. Mais le brain drain, qui vient de connaître un véritable réexamen théorique et empirique (brain gain, self selection...), peut avoir des effets importants pour le développement des pays de départ, positifs ou négatifs selon les seuils de taux d'expatriation des qualifiés.
Ce colloque convie donc à réfléchir sur les relations entre les différentes facettes de l'innovation et le développement des pays méditerranéens.
Source : revuedesrevues.fr - décembre 2010
Plus d'information : http://gdri.dreem-euromed.org/

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