Méditerranée - Plan Solaire Méditerranéen : l'appel du pied aux investisseurs

Deux ans après le lancement du PSM, 150 projets ont été déposés. Mais la plupart font face à des obstacles techniques et financiers, ce qui risque de compromettre l'objectif de 20 GW d'EnR d'ici 2020 si les investissements ne suivent pas.






Le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) vise à accroître l'utilisation des énergies renouvelables (EnR) et à renforcer l'efficacité énergétique des 43 Etats membres de l'Union pour la Méditerranée, lancée en juillet 2008 par la France.
Ce plan prévoit la construction de capacités de production d'électricité de source renouvelable, dont le solaire, de 20 gigawatts (GW) à horizon 2020 sur les rives Est et Sud de la Méditerranée.
L'électricité produite sera consommée par le marché local tandis que 5 GW seront exportés vers l'Europe afin de garantir la rentabilité des projets de centrales.
Deux ans après le lancement du plan, plus de 150 projets dédiés aux EnR sont à l'étude dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Jordanie, Syrie, Liban, Turquie… Mais ces projets ne représentent que 10 GW à ce jour, selon la Femip (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat), branche de la Banque européenne d'investissement (BEI).
56% de ces projets sont dédiés à l'énergie solaire (soit près de 6 GW), 38% à l'éolien terrestre et 6% à l'hydroélectrique, a précisé la FEMIP en mai dernier à Valence (Espagne), à l'occasion d'une conférence sur le Plan Solaire Méditerranéen. Mais peu d'entre eux sont à l'heure actuelle ''matures''… Seuls 2,1 GW concernent des projets avancés - donc technologiquement viables - et sont de surcroît majoritairement dédiés à l'éolien. 1/3 seulement de ces projets (soit 0,6 GW) présentent un plan de financement arrêté.

Des investissements nécessaires
Le Plan Solaire Méditerranéen prévoit un coût total situé entre 38 et 46 milliards d'euros sur la période 2009-2020, financé par des bailleurs publics et des financements privés. Mais on reste loin du compte : la Banque Mondiale s'est engagée à débloquer 6 à 8 milliards de dollars US dont 750 millions issus du Fonds de Technologie Propre (CTF), a rappelé l'organisation SolarMed, à l'occasion d'un salon dédié au PSM, organisé mi-septembre à Paris.
La BEI, la banque allemande KfW et l'Agence Française de Développement ont de leur côté promis 5 milliards d'euros tandis que 1,5 milliards d'euros doivent provenir du Fonds européen Marguerite. 650 millions d'euros supplémentaires devraient être également issus de fonds propres (Fonds Inframed et Facilité en fonds propres -FISEM).
Les investisseurs privés sont donc appelés à accroître leur financement dans les projets pour atteindre les objectifs fixés par le plan. ''Nous devons mieux mobiliser les bailleurs'', selon le ministre du Développement Durable Jean-Louis Borloo. Sinon seulement 4 GW d'EnR seront installés d'ici 2020 (sur les 20 GW attendus), selon les prévisions les pessimistes de la Femip.

L'enjeu du renforcement des réseaux électriques
Il est surtout ''impératif de renforcer les réseaux de transmission électriques'' entre l'ensemble des pays méditerranéens concernés ''et adapter en parallèle les normes de leur réseau'', estime la Femip.
Un des projets majeurs du PSM vise à répondre à cet objectif. Il s'agit de Transgreen, une initiative française lancée officiellement en juillet dernier, qui prévoit la construction d'un réseau sous-marin de transport d'électricité entre l'Afrique et l'Europe, estimé à 8 milliards d'euros. A l'heure actuelle, un seul câble de courant alternatif de 1.400 MW relie l'Afrique à l'Europe via le détroit de Gibraltar.
Le projet Transgreen envisage par conséquent de renforcer cette liaison Maroc-UE, de relier l'Algérie à l'Espagne et à la Sardaigne, la Tunisie et la Lybie à l'Italie et l'Egypte à la Grèce. De quoi encourager les investisseurs à rejoindre le consortium qui regroupe désormais près d'une vingtaine d'industriels. Parmi eux, les 12 groupes européens fondateurs Abengoa, Alstom, Areva, Atos Origin ou EDF.
Le fournisseur de systèmes photovoltaïques à concentration Concentrix Solar ainsi que l'Office National de l'Electricité marocain sont les derniers à avoir rejoint cette initiative en septembre. Parmi les autres infrastructures de transport prévus dans le PSM figurent ''le renforcement de la ligne Turquie-UE et le renforcement des connexions régionales, notamment au Moyen-Orient'', selon Philippe Lorec, de la direction générale de l'énergie au ministère du Développement durable. Mais cela nécessite encore des moyens financiers importants.
Aux côtés de Transgreen, l'autre mégaprojet, baptisé Desertec vise à déployer un réseau de centrales solaires à concentration sur les déserts nord-africains d'ici 2050 et couvrir 15% des besoins en électricité de l'Europe. Le projet, lancé un an plus tôt en juillet 2009, attire aussi de plus en plus d'industriels et englobe désormais 18 investisseurs principalement allemands. D'autres actionnaires devraient suivre et s'associer aux deux projets ambitieux évalués à 520 milliards d'euros d'ici 2050 (dont 400 milliards pour Desertec !).

Quand le solaire thermique a le vent en poupe
Côtés projets : plusieurs émergent des plans énergétiques nationaux de la région MENA. Les pays de la région misent sur le solaire thermique à concentration (CSP), outre l'éolien. Sur les 150 projets proposés, ''nous allons nous concentrer sur les vingt meilleurs'', soit les plus économiquement viables, a expliqué Philippe Lorec, au salon SolarMED, avant un déploiement des projets prévus dès 2011. Les premières centrales solaires pourraient voir le jour au Maroc dans le cadre de son Plan Solaire présenté en mars.
Le Maroc importe 95% de son énergie à l'instar de la Jordanie et du Liban. Le pays vise la construction d'une capacité de production électrique utilisant l'énergie solaire de 2GW entre 2015 et 2019 sur cinq sites : Ouarzazate, Ain Bni Mathar, Foum Al Oued, Boujdour et Sebkhat Tah. Un premier appel d'offre a été lancé pour construire et exploiter plusieurs centrales d'une capacité de 500 MW à Ouarzazate dès 2015.
D'autres pays du pourtour méditerranéen ont lancé des initiatives. A l'instar de la Tunisie qui vient aussi de lancer son Plan Solaire et vise une quarantaine de projets EnR entre 2010 et 2016.
Parmi eux, la réalisation d'une centrale CSP 25 MW intégrée à un cycle combiné de 150 MW ou encore deux centrales photovoltaïques de 10 MW. En Algérie, le projet de centrale hybride de Hassi-R'mel fonctionnant à l'énergie solaire et au gaz naturel, d'une capacité de 150 MW, pourrait être opérationnel début 2011.
L'Algérie, via le groupe Sonelgaz, prévoit notamment d'installer 365 MW d'énergie solaire supplémentaires entre 2013 et 2020. De son côté, le Liban mise sur les chauffe-eau solaires ''en pleine expansion depuis cinq ans, avec des taux de croissance annuels de 15%'', a rappelé Saïd Chehab de l'Association libanaise pour la Maîtrise de l'Energie et pour l'Environnement (ALMEE). Actuellement, le parc s'élève à près de 350.000 m² de capteurs, soit 155 GWh d'énergie thermique produite.
Le solaire pourrait représenter 20% à 25% de la production d'électricité mondiale d'ici 2050, selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). La technologie CSP pourrait devenir concurrentielle d'ici 2020 dans les endroits les plus ensoleillés, ''si des politiques appropriées sont adoptées'', indispensables pour débloquer tout financement, et ''des lignes de transport vers les zones de consommation'' développées.
L'Amérique du Nord sera ''le plus grand producteur de l'électricité de CSP, suivi de l'Afrique du Nord (…) qui exportera très probablement environ la moitié de sa production vers l'Europe, le deuxième plus grand consommateur'', estime l'AIE.
Par Rachida Boughriet - Actu-Environnement.com - le 6 octobre 2010
http://www.actu-environnement.com/ae/news/plan-solaire-mediterranee-appel-investissements-solarmed-11125.php4

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