Business in Mare nostrum

Convergence. Attirés par les opportunités de la rive sud, des chefs d'entreprise se disent favorables à l'Union pour la Méditerranée.
Les pays du Sud et de l’Est méditerranéen (Psem) offrent-ils des occasions de croissance à des entreprises de la rive nord confrontées au ralentissement de la consommation et des affaires en Europe ? Les chefs d’entreprise réunis au sein de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), think tank créé en 2006,veulent y croire. Outil majeur de l’intégration régionale que les chefs d’entreprise appellent de leurs voeux, l’Union pour la Méditerranée (UPM), lancée en juillet 2008 mais tombée dans une semi-léthargie depuis…
Au plan économique, l’intégration est en marche. Dans des pays – Maghreb arabe, Égypte, Turquie… – qui affichent une croissance moyenne de 4% malgré la crise, les entreprises du Nord ont déjà multiplié les investissements.
Déployés pour l’essentiel dans l’énergie, l’immobilier ou le tourisme au début des années 2000,ils ont facilité le développement d’une sous-traitance industrielle efficace. L’industrie textile du pourtour méditerranéen,grâce à la proximité entre Nord et Sud,a pu résister aux importations chinoises.
« Le voisinage de l’Europe permet de réduire les cycles de production tout en maintenant des exigences de qualité inaccessibles dans des pays très lointains, où il faut compter avec des fuseaux horaires compliqués, des difficultés linguistiques et des incompréhensions culturelles », explique Guillaume Mortelier, administrateur de l’Ipemed et auteur d’une étude sur l’économie régionale basée sur 200 entretiens avec des chefs d’entreprise. En Turquie, l’automobile a ainsi permis le développement d’une industrie intermédiaire locale fiable et performante.
De nombreuses PME se tournent aussi vers le Sud. Exemple, Grupo Essentium, entreprise espagnole qui travaille dans les matériaux de construction et les énergies renouvelables. Affectée par la crise de l’immobilier en Espagne, cette société – une cinquantaine de salariés, 100 millions d’euros de chiffre d’affaires – s’est implantée en 2009 en Tunisie, puis en Turquie où elle construit actuellement deux cimenteries et participe à la création de centrales hydroélectriques.
Certains des membres de l’Institut confirment leur ancrage dans la région. C’est le cas d’Alstom, qui a annoncé des contrats en Jordanie pour près de 100millions d’euros,ou de Renault,qui ouvrira une usine à Tanger en 2012.
Les banques plus accueillantes en Turquie qu’en Europe
L’amélioration des infrastructures et de l’environnement des affaires dans plusieurs pays du Sud méditerranéen a favorisé ces investissements. Jean-Pierre Nathan, directeur général de la filiale turque de Grupo Essentium, en fait le constat à Istanbul : « Le gouvernement turc facilite les investissements étrangers, surtout dans l’énergie, et les banques se montrent plus accueillantes qu’en Europe! », affirme-t-il.
Reste que la dynamique, au plan politique, est bien plus poussive… L’Union pour la Méditerranée, conçue pour ranimer et renouveler le processus de Barcelone, semble en panne. Il est vrai que le projet, qui entend réunir tous les riverains de la Méditerranée, Israël compris, est des plus ambitieux… Une réunion entre ministres des Affaires étrangères aurait avorté parce que le chef de la diplomatie égyptienne refusait de rencontrer son homologue israélien. L’Union du Maghreb arabe, qui existe sur le papier depuis de nombreuses années, n’a jamais rien uni : deux de ses membres, l’Algérie et le Maroc,ont même leur frontière terrestre… fermée! Quant à l’Égypte et l’Algérie, elles ne semblent pas près de panser leurs plaies footballistiques…
Jean-Louis Guigou, délégué général de l’Ipemed et optimiste par fonction en quelque sorte,assure que « les entreprises feront l’UPM comme la Ceca [Communauté économique du charbon et de l’acier] a précédé l’Union européenne ». En attendant, il admet que « l’Union de l’Europe et de la Méditerranée du Sud et de l’Est pourrait bien n’être qu’une… utopie pour le XXIe siècle ». Elle est pourtant, affirme-t-il, « seule capable de sauver, face à l’Asie conquérante, une Europe qui vieillit et des États arabes qui, isolés, resteront des confettis ». Les lobbyistes de l’Ipemed ont du pain sur la planche…
Par Christine Murris - Valeursactuelles.com -le 17 décembre 2009

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