Euromed - La Nouvelle conserverie algérienne, ou le pari gagné de la mise à niveau

Le programme MEDA II permet aux entreprises algériennes le souhaitant d'entrer dans la cour des grands, en termes, notamment, de productivité et de compétitivité.
La mise à niveau des entreprises algériennes reste le principal défi économique de l'Algérie dont l'économie dépend principalement des recettes pétrolières. Après les premiers tâtonnements de l'ouverture de son marché et le passage de l'économie dirigée vers l'économie libérale au début des années 1990, la mise à niveau de l'outil de production est devenue une question de vie ou de mort pour les entreprises algériennes.
Le gouvernement a donc lancé des programmes de mise à niveau avec la collaboration de l'Onudi, de l'UGP MEDA et d'autres institutions dès 2001.Ces différents programmes visent à amener les entreprises algériennes à s'aligner sur l'environnement économique international en mettant l'accent sur l'amélioration de leur compétitivité, le renouvellement de leurs outils de production et l'adaptation aux nouvelles conditions du marché, notamment après l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne.
Dès le lancement de cette démarche, l'Union européenne a mis en place des lignes de financement d'un montant de 75 millions d'euros en faveur de la mise à niveau des petites et moyennes entreprises algériennes.
À l'instar des pays du Sud qui ont bénéficié des programmes d'aide de l'UE, l'Algérie en a profité en deux temps. « Après les 445 entreprises bénéficiaires du programme MEDA I, la Commission européenne a mis en place un second programme de mise à niveau d'un montant de 45 millions d'euros au profit des entreprises algériennes désireuses de se hisser au niveau de compétitivité internationale », explique Olivier de Velp, responsable européen du programme MEDA II.
Concepts archaïques familiaux
Entré en application en mai 2008, ce programme se prolongera jusqu'en 2017, date de l'entrée en vigueur de la zone de libre-échange entre les deux parties. Affirmant que ce nouveau programme vise avant tout l'amélioration de la compétitivité des PME algériennes pour leur permettre de se développer à l'international et de profiter des possibilités offertes par les accords internationaux signés par l'Algérie, M. de Velp relève que certains obstacles ont entravé une rapide mise à niveau des PME algériennes.
Obstacles tels que les lenteurs administratives, l'environnement financier inadéquat ou encore la culture des chefs des entreprises privées qui relève de concepts archaïques familiaux.
« Il ne s'agit pas de mettre à niveau l'ensemble des entreprises et des PME en Algérie. Mais il s'agit de s'intéresser aux segments très particuliers des 2150 entreprises industrielles privées », explique le responsable de MEDA II. « Ce programme, ajoute-t-il, est uniquement destiné aux entreprises qui veulent absolument se mettre aux normes et aux standards internationaux.
Et qui souhaitent devenir compétitives pour partir à l'assaut des marchés extérieurs. »Parmi ces entreprises privées ayant su rentabiliser cette opportunité, se distingue la Nouvelle conserverie algérienne (NCA) de Rouiba spécialisée dans la production de jus de fruits.
D'une petite entreprise familiale, active dans le conditionnement des produits agricoles, la NCA de Rouiba, créée en 1966, s'est transformée en l'une des plus grandes PME de l'agroalimentaire algérien. Après le succès qu'elle a enregistré dans le secteur des boissons, l'entreprise s'est délestée de ses activités de conserverie pour se spécialiser dans la production de jus de fruits.
Confrontée à un nouveau contexte économique, au regard de l'ouverture du marché à de nouveaux entrants et à la domination des grandes firmes internationales rompues aux techniques modernes de gestion, la NCA a été contrainte de se remettre en cause et de s'engager dans un processus de mise à niveau afin d'améliorer sa compétitivité.
L'adhésion de la NCA au programme MEDA lui a permis de bénéficier de l'appui destiné aux PME algériennes. « Avec la mise en place du programme MEDA, nous avons été rassurés et confortés dans notre démarche à travers certains audits et diagnostics », affirme Slim Othmani, patron de la NCA (notre photo), un ingénieur informaticien qui s'est retrouvé à la tête de l'entreprise familiale dès son retour du Canada au début des années 1990.
L'entreprise a bénéficié, au cours des deux premières années, d'une enveloppe de 200 000 euros. Une somme modeste, juge M. Othmani, à cause des réticences, lourdeurs et lenteurs de l'administration algérienne, mais surtout de la méfiance des institutions gouvernementales concernées.
Accord de financement inédit
La NCA a également bénéficié, en mai 2008, d'un accord de financement inédit contracté directement auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui intervenait pour la première fois en faveur d'un agent privé en Algérie. Le prêt accordé au groupe NCA Rouiba porte sur un concours financier de 3 millions d'euros, assorti d'une durée de 8 ans et matérialisé en monnaie locale, soit 300 millions de dinars.
La principale nouveauté réside dans le fait qu'il s'agit là d'un prêt à long terme, dont le taux d'intérêt est compris entre 7 et 14 %. Comme l'explique Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI, « le taux d'intérêt est lié à la performance de l'entreprise ». Le niveau de développement du groupe NCA et sa croissance sont donc déterminants pour la fixation du taux sur lequel est indexé le prêt.
L'indice de confiance et la notoriété de l'entreprise, ainsi que la valeur de son plan de développement ont clairement pesé sur la décision de la BEI de s'engager pour la NCA. Certifiée ISO, ISO 14000 et en phase d'obtenir une certification d'achat CCP, la NCA détient aujourd'hui plus de 30% du marché local et produit plus de 230 millions de litres de jus pour la consommation nationale. Elle exporte vers la Libye, la Tunisie et le Maroc, et est l'une des rares entreprises privées à exporter ses produits vers des pays comme la France, la Belgique, la Grande-Bretagne ou le Canada.
L'accord de financement en question, mis en place par la BEI à travers la formule de la Femip (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat, un instrument qui regroupe l'ensemble des instruments d'intervention de la BEI dans le sud et l'est du bassin méditerranéen), a permis au groupe NCA Rouiba de concrétiser son programme de modernisation et de croissance.
Selon M. Othmani, des projets ambitieux sont en cours qui concernent l'élargissement de l'investissement, la modernisation des outils de production ainsi que l'engagement dans la distribution. Le programme, ajoute-t-il, a un impact en termes de productivité et de réorganisation. Il a également généré un changement culturel au sein de l'entreprise.
Pratiquement, quelque 250 emplois devraient être créés entre 2008 et 2010. Au niveau des infrastructures, la NCA bénéficie d'une nouvelle plate-forme de stockage plus importante, puisque l'on est passé de 2 400 à 8 000 palettes. M. Othmani prévoit, en outre, une croissance annuelle de plus de 20 %. Enfin, cerise sur le gâteau, l'entrée en Bourse du groupe NCA Rouiba dans les deux à trois ans à venir est également inscrite dans les objectifs de développement de l'entreprise.
Par Ghada Hamrouche - Alger - L’Orient-Le Jour - eurojar.org

Aucun commentaire: