Développement durable en Méditerranée

Les deux anciens ministres Élisabeth Guigou et Alain Juppé , membres du Comité de parrainage politique d'Ipemed*, plaident pour la consolidation de l'Union pour la Méditerranée afin de conjurer trois menaces : le réchauffement climatique, l'après-pétrole et le déclin historique.
Dans ce monde plein d'incertitudes, il y a des évolutions évidentes : le développement durable et la croissance verte constituent l'une de ces évidences, car nul ne peut réfuter l'idée du réchauffement climatique ni celle du nécessaire recours à la croissance verte.
L'autre évidence est la future accession des pays arabes méditerranéens au rang des pays émergents. Le
Financial Times titrait «The time of the Mediterranean» : après l'émergence de la Chine dans les années 1990, l'émergence des pays d'Amérique latine en 2000, le moment est venu de voir les pays arabes méditerranéens accélérer leur développement. Mais quel développement ? Nous partageons une intime conviction : le développement durable en Méditerranée permettra de transformer en excellence trois peurs communes aux deux rives :
La peur du réchauffement climatique. Une étude réalisée en 2008 pour l'Ipemed (Institut de prospective économique sur le monde méditerranéen) confirme que le réchauffement climatique sera particulièrement cruel en Méditerranée du Sud et du Nord : + 3° à + 4° d'ici à 2050, la montée des eaux de + 50 cm associés à des anomalies climatiques à répétition. Dans un tel contexte, les gouvernements des pays du Nord, comme ceux du Sud, ne peuvent que préconiser une économie décarbonée. C'est une question de survie.
La peur de l'après-pétrole. Dans quarante à cinquante ans, les ressources naturelles en pétrole et en gaz des pays de la rive sud déclineront sérieusement. Comme ceux du Nord, ces pays sont donc condamnés à opérer dès maintenant les reconversions énergétiques qui s'imposent vers les énergies renouvelables et le développement durable.
La peur de sombrer dans le déclin historique. Le monde multipolaire qui se dessine, privilégie actuellement les États américains et ceux d'Asie de l'Est. Dès lors les 500 millions d'Européens et les 400 millions d'Arabo-musulmans proches de la Méditerranée n'ont d'autre issue que de s'associer pour créer eux aussi une grande «région Nord-Sud» susceptible de soutenir la comparaison et, mieux, de devenir un laboratoire du développement durable à inventer.
Ces trois peurs ont été exprimées le 13 juillet 2008 par les 44 chefs d'État de l'Europe et de la Méditerranée réunis à Paris pour lancer l'Union pour la Méditerranée.
Au-delà, la crise financière actuelle renforce elle-même l'impératif de développement durable. En effet, chacun sait que les motivations économiques (le coût de dégradation de l'environnement qui risque de réduire très fortement notre croissance «normale» ; la volatilité des coûts des énergies fossiles, la mise en place de la taxe carbone, si elle est confirmée) sont souvent plus stimulantes que les exhortations morales.
Ce n'est pas un hasard si, après l'interruption diplomatique consécutive à la guerre de Gaza en décembre 2008, les négociations sur les projets de l'UPM (Union pour la Méditerranée) reprennent à Paris le 25 juin rassemblant les ministres de l'Environnement de tous les pays européens et des pays riverains de la Méditerranée. L'Union pour la Méditerranée n'a pas d'autres choix que de promouvoir, à travers les énergies renouvelables, l'eau, l'agriculture, l'habitat et les transports, des formes originales qui permettront au pays du Sud de sauter une étape et aux pays de la rive nord d'être les modèles de la croissance verte. Les élections européennes nous encouragent à emprunter cette voie.

Aucun commentaire: