Plan Solaire Méditerranéen, l’ambiguïté nucléaire française

Je crois beaucoup au Plan Solaire Méditerranéen, une utopie concrète qui fait sens face aux enjeux énergétiques et sociaux d’une grande région baignée de soleil au Sud de l’Europe. Le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) qui vise à fournir une énergie propre génératrice de paix, est donc fondamentalement une bonne initiative, malheureusement mise à mal par la France.
La France, à la manœuvre pour lancer l’Union Pour la Méditerranée (UPM) dont le PSM est une déclinaison concrète, joue un rôle ambigu qui n’en fini pas d’inquiéter nos partenaires euro-méditerranéens.
Sa gouvernance du PSM est déplorable car elle concentre toute l’information sur les projets en cours de labellisation, sans la partager avec les autres états membres de l’UE, ni avec la Commission Européenne, ni avec les organisations professionnelles concernées. Sa « short list » de projets estampillés PSM relève quasiment du secret, tout comme la procédure et les critères de sélection.
Cette gouvernance exclusive du PSM, marque de fabrique de Sarkozy, suscite un très fort mécontentement sur le manque de transparence, de la part de nos amis européens. Ça grogne à Berlin, Madrid et Vienne, où les enjeux industriels et commerciaux sont importants pour le secteur solaire. A Bruxelles, on prépare feuilles de route et « master plans », pour contrer l’hégémonie française. La carte des 1ers projets « énergie renouvelables » qui seraient retenus par le PSM (IAP 2009-2010 with 10 GW of projects) :
Ce sentiment que tout ce qui concerne le PSM se décide à Paris (en liaison avec le Caire, l’Egypte étant co-président de l’UPM), ne serait pas si désastreux, si ce gouvernement n’était pas par ailleurs, le grand VRP de l’énergie nucléaire.
La France fidèle à son atom’cratie, ne voudrait-elle utiliser le PSM pour faire du green washing atomique ?
En tout cas, son dossier de presse du PSM mentionne « la construction de capacités additionnelles d’électricité bas carbone, et notamment solaire, d’une puissance totale de 20 Gigawatt à l’horizon 2020 ». Cette « électricité bas carbone » ressemble à une fenêtre pour faire entrer l’électricité nucléaire dans le PSM. Des GW qui font rêver nos technocrates atomiques.
Combien d’EPR, avec le PSM en alibi dans leurs rêves ?En tous cas, le lobby de l’atome peut compter sur le gouvernement Sarkozy, qui ne ménage pas ses efforts pour vendre le nucléaire français.
Ainsi, François Fillon en visite la semaine dernière (23 et 24 avril) en Tunisie, a signé huit accords de coopération franco-tunisiens, dont deux sur le nucléaire et aucun sur le solaire. Si le gouvernement français voudrait exporter son « Autorité de Sureté Nucléaire » pour accélérer la construction de centrales nucléaires au Maghreb, il n’a pas encore compris que l’enjeu industriel solaire était énorme.
A force de vanter l’énergie nucléaire comme priorité diplomatique, la France décrédibilise son engagement pour le Plan Solaire Méditerranéen. Elle désoriente ses interlocuteurs du Sud, qui attendent de l’Europe des transferts de technologies solaires capables de répondre à leurs besoins d’énergie actuels et futurs, plutôt que des centrales chères et dangereuses, longues à construire et à qualifier, qui font tant de tort à l’Iran qui voudrait se doter du nucléaire (civil et militaire).
Si Fillon est revenu heureux d’avoir placé deux accords pour le nucléaire civil aux retombées virtuelles pour notre économie, il pourra méditer sur les annonces du PDG de la STEG - Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz - M. Othman Ben Arfa, sur les trois projets d’investissement dans l’énergie solaire que va faire la société d’Etat.
Le 21 avril soit quelques jours avant le passage de la caravane nucléaire française, la STEG officialisait :
- La réalisation et la mise en service d’ici 2014, de la première centrale thermo-solaire en Tunisie. Cette centrale aura une capacité de 25 mégawatts.
- L’installation et la gestion sur la période 2011-2014, de
10 MW d’installations photovoltaïques sur 5.000 logements résidentiels (2 kW/maison).
La construction d’un bâtiment pilote de la STEG, économe en énergie et utilisant le solaire. Alors que les toits tunisiens pourraient en 10 ans, se garnir en plus des traditionnelles paraboles, de panneaux solaires pour l’eau chaude et l’électricité. Que des centrales thermo-solaires vont pouvoir alimenter les besoins électriques du pays, en base et pas seulement en pointe. Que cela représente des retombées industrielles et sociales gigantesques. Et surtout, que c’est l’essence même du Plan Solaire Méditerranéen, la France est en retard d’une époque avec sa priorité diplomatique nucléaire. Son ambiguïté nucléaire entache sa crédibilité solaire.
Par Héloïm Sinclair - NaturaVox.fr - le 1 mai 2009


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