Banque européenne d’investissement : l'Union pour la Méditerranée, l’argent et la politique

Alors même que le projet de l’Union pour la Méditerranée (UPM) est plus qu’hypothéqué en raison des massacres israéliens dans Ghaza la palestinienne, le vice-président de la BEI en charge de la Méditerranée, Philippe de Fontaine Vive, croit que l’UPM avance à pas de géant. Ici quelques confidences livrées au cours d’un dîner.
Le vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI), M. Philippe de Fontaine Vive, ne tarit pas d’éloges sur le rôle de ce bras financier de l’Union européenne (UE). Pas si courant que ça en ces temps de crise financière et économique mondiale.

Mais M. Philippe de Fontaine Vive n’est pas qu’un manager financier. Tout en répétant que sa fonction se limite aux seuls aspects techniques et financiers, il fait, sans le dire ouvertement, de la politique. « Les événements de Ghaza sont dramatiques et douloureux », dit-il pour expliquer plus tard « j’ai conseillé au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de faire plus appel à des dons financiers qu’à des prêts ».
Et que pense le vice-président de l’anéantissement par l’aviation israélienne des quelques infrastructures construites par les dons européens ? « Vous comprendrez que ce n’est pas un banquier qui vous répondra sur le sujet », rétorque-t-il.
Quant à Israël, la BEI finance et « prête » des projets nombreux et variés. Y a-t-il des soutiens financiers pour des projets dans les colonies en Palestine ? Nous n’en saurons rien. Une seule affirmation : la BEI soutient tout projet viable et rentable présenté par Israël.

Lorsque l’on aborde avec M. de Fontaine Vive la problématique de l’Union pour la Méditerranée (UPM), il se retire de nouveau derrière sa fonction de « commis » de l’Etat, pour ne pas dire des Etats de l’UE. « Les 43 chefs d’Etat et de gouvernement réunis le 13 juillet à Paris pour le lancement de l’UPM ont confié à la BEI, plus précisément à son bras financier pour l’euro-méditerrané - FEMIP -, des projets d’envergure, et nous sommes attelés à les réaliser », rappelle-t-il.

Et d’énumérer les plans de dépollution de la Méditerranée ; le développement de l’énergie solaire ; les autoroutes maritimes et terrestres. Nous avons beau insister sur le terrible coup porté par l’Etat hébreu au projet de l’UPM et le gel de ses activités par nombre de pays arabes, rien n’y fait. Le vice-président continue de parler de prêts financiers, de nouveaux projets au Maroc, en Jordanie, en Tunisie... Et l’Algérie ? « L’Algérie ne nous a soumis aucun projet », répond-il, avant de noter combien l’Algérie a besoin de se construire.
Attitude inexplicable, selon lui, d’autant plus que l’Algérie a un taux de croissance positif, de près de 5%, comme d’ailleurs la majorité des pays sud Méditerranée. Un atout considérable pour les investisseurs de tout bord, particulièrement pour la BEI et son département méditerranéen la FEMIP.
En chiffre, la BEI a prêté aux pays sud-méditerranéens (excepté l’Algérie) 1,3 milliard d’euros pour la seule année 2008. A titre de comparaison, la Banque européenne a avancé pour les seules PME européennes 8 milliards d’euros en prêts, 2 milliards en garanties et 409 millions d’euros en capital-risque.
La présence de la BEI détonne avec le reste des banques privées en cette période de crise : 57 milliards d’euros pour 2008 contre 48 milliards en 2007. Une hausse de 42%. Au fil de la discussion, nous apprenons par exemple que le projet de construction de l’usine Renault au Maroc est bel et bien maintenu et avance bien.
Le contraire de ce qui a été annoncé par la presse internationale. Par ailleurs, le vice-président répète sans cesse qu’il suffit au pays sud Méditerranée de présenter des projets valables pour que la FEMIP accorde des prêts. Il s’interroge sur le manque d’enthousiasme de certains pays comme l’Algérie par exemple. En dehors du secteur des hydrocarbures, comme le prêt de 500 millions d’euros de la BEI dans le projet Medgaz, l’Algérie ne sollicite pas grand-chose.
Pareil pour le secteur privé, où un seul projet d’un montant de 2 millions d’euros a été concédé à une entreprise privée spécialisée dans la « conserverie ». En cela, reconnaissons-lui la justesse de ses interrogations. Est-ce la relative sécurité financière du moment qui expliquerait son attitude frileuse ? Détrompons-nous, les effets de la crise internationale arrivent au sud Méditerranée. « Les pays du sud Méditerranée sont pour le moment à l’abri des effets de la crise internationale. Mais, pas indéfiniment. Les contrecoups seront ressentis vers la fin de l’année 2009 début 2010 », explique M. de Fontaine Vive.

Pourtant, le vice-président ne manque pas d’idées. Il explique qu’il est préférable de permettre à la BEI de lever des crédits en monnaie locale dans les pays du sud Méditerranée pour leur éviter de supporter le poids des remboursements et les taux d’intérêt en euros. Voilà, après l’Europe, la BEI souhaite devenir une banque sud-méditerranéenne. Pourquoi pas, puisque les pays du Sud n’arrivent pas à monter ce genre de banques spécialisées dans l’investissement chez eux.
Enfin, sur un ton amical, M. Philippe de Fontaine Vive déclare « je suis invité partout au Maroc, en Tunisie, en Egypte, en Jordanie, en Israël... il me manque de voir la lumière et humer l’air d’Alger ». A bon entendeur.
Par M’hammedi Bouzina Med - Le quotidien d’Oran - le 12 mars 2009

Aucun commentaire: