Marseille : réflexion sur l’audiovisuel méditerranéen

La grand-messe en zone Euromed s’est ouverte mardi dernier à Marseille en marge du sommet de l’Union pour la Méditerranée organisé au niveau des ministres des Affaires étrangères de la zone. Au programme, une série d’ateliers sur des thèmes culturels différents. C’est l’atelier « Cinéma, audiovisuel, images » qui a été suivi de près par « L’Orient-Le Jour ».
C’est sous une pluie battante que se sont ouverts à Marseille mardi dernier les États généraux culturels méditerranéens en marge du sommet de l’Union pour la méditerranée (UPM).
Plus de 300 personnes des 25 pays méditerranéens ont ainsi été invitées à discuter et à proposer des idées nouvelles et des moyens permettant de faire avancer la coopération culturelle en zone Euromed. Un événement ayant nécessité une logistique importante qui n’a pas toujours été sans faille…
La journée a notamment été entamée par des allocutions prononcées par le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, l’ambassadeur en charge du volet culturel de l’UPM, Jacques Huntzinger, et le président de l’Institut pour la Méditerranée, Henry Roux-Alezais.
La cérémonie d’ouverture s’est déroulée au Pharo, au cœur de Marseille, puis les différents ateliers prévus ont notamment été tenus à l’hôtel de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme l’atelier « Images, audiovisuel, cinéma » auquel un panel d’une vingtaine de participants ont pour l’occasion été conviés à réfléchir sur la manière de favoriser encore plus la coopération culturelle et plus spécifiquement médiatique.
Organisé par le Centre méditerranéen de la communication audiovisuelle (CMCA), l’atelier a été inauguré par Martine Viglione, directrice du CMCA, qui a affirmé à cette occasion que « l’intention de l’atelier “Images, audiovisuel, cinéma” est de s’appuyer sur les conclusions des trois précédentes rencontres de Paris, Séville et Alexandrie. Lors de ces rencontres, la réflexion avait porté sur les “ images, les écrits et la circulation culturelle et artistique” ». Elle ajoute : « Les médias sont un vecteur essentiel de la diffusion des représentations culturelles. Ils sont donc au centre du combat pour la diversité culturelle.
Dans un paysage audiovisuel méditerranéen en pleine mutation, entre le public et le privé, l’hertzien et le satellitaire, les médias satellitaires du Golfe à forte diffusion dans le monde arabe, les médias européens et les médias publics des différents États, dans un environnement dominé par le marché, mais également par la tutelle des pouvoirs publics, une voie de dialogue doit “se faire entendre”, des synergies se mettre en place pour la production et la diffusion d’“ images partagées”, une “méditerranéité” audiovisuelle s’affirmer.
Partager les images et les sons, les aider à circuler dans le respect de la diversité, c’est bien l’enjeu de cette réflexion. » Celle-ci doit se faire en prenant en compte l’impact de « la vague numérique » sur la frange de la population la plus jeune sachant que « plus de 40 % des 263 millions d’habitants des 10 pays du pourtour sud de la Méditerranée ont moins de 25 ans ».
Après les ateliers de Séville, Paris et Alexandrie, et les conclusions des différentes rencontres organisées dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, l’atelier 2008 « Images, audiovisuel, cinéma » a choisi d’orienter sa réflexion vers trois thématiques : produire et coproduire en Méditerranée, diffuser et faire circuler les œuvres en Méditerranée et structurer l’offre et la demande en Méditerranée.
Il est important de souligner l’absence de nombreux acteurs de la société d’information dans les pays riverains du Sud, ce qui est d’autant plus regrettable que l’objectif premier de ces tables rondes reste l’échange et, par conséquent, la coopération.
Pas de vecteur ni de marché « méditerranéen » Luciano Rispoli, attaché audiovisuel près l’ambassade de France en Turquie, a d’emblée insisté sur l’absence de divertissement à l’échelle euroméditérranéenne et sur l’absence de « concept exporté dans cette zone, en dehors des documentaires informationnels et culturels ».
Il s’est ensuite demandé s’il existait un véritable public Euromed et a soutenu qu’il existe indiscutablement une « audience » Nord-Sud, mais que les chaînes de télévision ne sont pas « ouvertes aux pays du Sud de manière générale parce qu’en plus, il existe des différences sur le plan qualitatif, des différences qu’il faut combler ».
« Donc aujourd’hui, même s’il y a un public, il n’y a pas de vecteur car il n’y a pas de chaîne proprement méditerranéenne généraliste. Il y a bien une chaîne, Euronews, qui est l’ancêtre du dialogue méditerranéen, mais nous rêvons de mettre en place une chaîne publique euroméditerranéenne qui serait basée à la Bibliothèque d’Alexandrie… », ajoute le diplomate.
Le président de l’Institut national de l’audiovisuel français (INA), Alexandre Hoog, a de son côté soulevé l’ « asymétrie » qui existe entre le Nord et le Sud, avec « des écarts qui demeurent très lointains, au-delà de la proposition politique de Barcelone qui demeurait par bien des égards illusoire et très peu pratique ». Toutefois, « les rêves d’il y a 15 ans sont aujourd’hui à portée de main » grâce à l’avancée des technologies de l’information, puisque « le numérique a considérablement réduit le coût des œuvres ».
Ce qui manque véritablement aujourd’hui, selon M. Hoog, c’est bien « l’absence d’un véritable marché. Il n’y a pas de véritables outils mis en place parce que ces liens ont été construits pendant une période très politique, plus politique que professionnelle ». Il poursuit : « Il faut aujourd’hui des produits télévisuels méditerranéens capables de passer, d’attirer 10 à 15 pays d’un seul coup, à l’instar de l’impact des films américains. Or aujourd’hui, ce type de produits n’existe pas. »
Le cinéma en zone Euromed
Prenant la parole, la responsable du département Société de l’information auprès de la Commission européenne, Aviva Silver, a présenté les deux programmes mis en place par la Commission : Média et Média Mundos. Ces deux programmes apportent un soutien aux producteurs de cinéma et de télévision notamment en doublage et sous-titrage, mais comprennent aussi un volet « aide aux radiodiffuseurs ».
Mettant en relief l’existence d’un « Fonds Sud », elle a en outre souligné que celui-ci demeurait insuffisant et que « Média Mundos envisage de pallier ce manque, même s’il ne dispose pour le moment que d’un budget limité de 2 millions d’euros. Nous aspirons à un budget de 5 millions à l’horizon 2010 lorsque les résultats du projet pilote auront été connus. »
Enrico Chiesa, responsable de l’assistance technique Euromed, a ensuite exposé les types d’aide apportés au cinéma du Sud : « L’exportation et la formation d’opérateurs cinéma du Sud pour qu’ils puissent être en mesure d’aborder les marchés internationaux, la sensibilisation des agents de vente des deux côtés de la Méditerranée, le renforcement de la coproduction et l’harmonisation des législations notamment au niveau de la propriété intellectuelle. ».
M. Chiesa a soutenu que l’aide à l’investissement est également importante, car elle permet de « reconstruire des salles au Maghreb, l’aider à se numériser et à adopter le multiplex alors qu’au Machrek, les salles existent déjà ».
D’autre part, « l’aide de soutien pour financer le lancement d’un film, une assistance directe aux distributeurs et aux salles qui décident de diffuser des films d’auteur » est également primordiale, selon lui. Le but de cet atelier était de récolter des propositions concrètes, toutefois celles-ci ont souvent été écartées au profit de polémiques pas toujours très constructives, mais qui ont eu le mérite de mettre le doigt sur la différence de perception qui existe entre les deux rives de la Méditerranée et, souvent, la prédominance des problèmes politiques dans certains pays, un élément important qui les empêche souvent de progresser non seulement dans le domaine de l’audiovisuel, mais dans tous les secteurs.
Lélia MEZHER - www.lorient-lejour.com.lb/ - le 12 novembre 2008

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