L'Union pour la Méditerranée en difficulté

Lancée en grande pompe en juillet, l'Union pour la Méditerranée (UPM), chère à Nicolas Sarkozy, bute sur des questions politiques, celles-là mêmes que les 44 participants au sommet de Paris avaient éludées, histoire de ne pas gâcher les festivités inaugurales.
A la veille de la réunion, lundi 3 et mardi 4 novembre à Marseille, des ministres des affaires étrangères de l'UPM, rien n'est réglé. Pour tenter d'arrondir les angles, le président français s'est entretenu, mercredi 29 octobre, à Paris, avec celui qui copréside avec lui l'UPM, l'Egyptien Hosni Moubarak. Mais les tractations en cours tournent à la confusion de part et d'autre de la Méditerranée.
Au sud, les modalités de la participation de la Ligue arabe constituent le principal point de blocage. Tel-Aviv accepte que la Ligue arabe soit présente en tant qu'observateur à toutes les réunions ministérielles, mais refuse qu'elle participe aux rencontres préparatoires entre diplomates et experts. "On a l'impression qu'Israël mène la danse. On va de compromis en compromis : la réunion de Marseille est pleine d'incertitudes", s'agace-t-on à Alger, en soulignant que, "dès le début, "on" a voulu évacuer la dimension politique de l'UPM. Résultat : elle revient par la fenêtre !" Le Maroc dénonce, lui aussi, le "blocage" d'Israël, "incompréhensible et absurde", dit-on à Rabat.
Cette question de la Ligue arabe explique l'annulation d'une première réunion ministérielle sur l'eau, entre ministres de l'environnement, qui devait se tenir mercredi 29 octobre en Jordanie.
Les 2 et 3 novembre, à quelques heures de l'arrivée des ministres des affaires étrangères, d'ultimes tractations auront lieu à Marseille, entre hauts fonctionnaires, pour tenter de trouver un compromis. Si la Ligue arabe est exclue de ces préparatifs, les pays arabes pourraient-ils claquer la porte ? Rien n'est exclu. D'autant que la coprésidence égyptienne soutient cette position de principe, au grand dam des pays du Nord.
Autre question ultrasensible : la localisation du secrétariat général de l'UPM. Face aux candidatures de Tunis, La Valette (Malte), Marseille, voire Bruxelles, la ville de Barcelone fait figure de favorite. Mais il n'y a de consensus ni du côté européen ni du côté arabe. La Syrie et le Liban combattent l'idée qu'un pays arabe puisse accueillir le secrétariat. Ce serait indirectement accepter, estiment-ils, une normalisation des relations avec Israël. Dans ces conditions, certaines capitales proposent Bruxelles, "à titre transitoire", pour "sortir de l'impasse".

Forcing espagnol
De son côté, la diplomatie espagnole fait, depuis plusieurs semaines, un forcing tous azimuts pour rallier à sa cause un maximum de pays, y compris de la rive sud. Des discussions ont été engagées avec la Tunisie pour qu'elle retire sa candidature. En échange, c'est un Tunisien qui pourrait prendre les commandes du bras exécutif de l'UPM et obtenir le poste de secrétaire général.
Les Espagnols affichent un optimisme de façade, mais ils savent que la partie n'est pas jouée, Nicolas Sarkozy souhaitant qu'une ville de la rive sud de la Méditerranée soit retenue.
Au nord, les diplomates français doivent batailler ferme pour organiser la coprésidence tournante entre les pays de l'Union européenne. Aux yeux d'Henri Guaino, le conseiller spécial de M. Sarkozy, la France doit assurer la présidence de l'UPM jusqu'à la prochaine réunion au sommet des 44 pays membres, dans deux ans.
Mais les deux pays qui doivent piloter l'Union européenne en 2009, la République tchèque et la Suède, ne l'entendent pas de cette oreille et brandissent les traités européens pour faire valoir leurs droits. En pleine crise financière, l'intention prêtée au chef de l'Etat français de présider la zone euro a accru le malentendu, en particulier avec le gouvernement tchèque, qui dénonce une "campagne" malintentionnée à son égard. M. Sarkozy et le premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, devaient tenter de s'expliquer, vendredi 31 octobre à l'Elysée, lors d'un déjeuner organisé pour calmer le jeu.
Florence Beaugé, Philippe Ricard (à Bruxelles) et Jean-Jacques Bozonnet (à Madrid) - LeMonde.fr - le 31 octobre 2008

Aucun commentaire: