Sarkozy lève le voile sur son Union pour la Méditerranée

Ce matin à Tunis, le chef de l'Etat a expliqué que l’Union pour la Méditerranée sera «à géométrie variable» et que «chacun participera comme il le souhaite».
De l’Union méditerranéenne à l’Union pour la Méditerranée, le changement n’est pas que grammatical. La grande œuvre diplomatique de Nicolas Sarkozy a connu quelques évolutions majeures entre le discours fondateur de Tanger, en octobre dernier, et le projet tel qu’il sera dévoilé lors du sommet inaugural, prévu le 13 juillet à Paris.
Deux mois jour pour jour avant le début de la présidence française de l’UE, Nicolas Sarkozy a profité de son voyage en Tunisie pour exposer une nouvelle fois ce matin la philosophie de son projet et dévoiler quelques modalités de fonctionnement. L’Union pour la Méditerranée (UPM) sera donc «une union à géométrie variable où chacun participera comme il le souhaite, où nul ne sera obligé de participer mais où nul ne pourra empêcher ceux qui veulent avancer et agir». Une structure souple donc, à cause des réticences affichées tant au Nord qu’au Sud.
Côté Union européenne, l’Allemagne a bloqué ce projet dont elle n’était pas censée être membre mais qu’elle était invitée à financer. Au sommet franco-allemand de Hambourg, début mars, Angela Merkel a obtenu un changement majeur: les 27 seront membres de droit de la future UPM.
Quant aux Espagnols, qui tiennent au processus de Barcelone, lancé en 1995, et que l’UPM avait vocation à remplacer, ils ont obtenu que la nouvelle instance soit présentée comme une «refondation» de Barcelone, lors du Conseil européen qui a entériné l’UPM. Cela n’a pas empêché le président français de revenir sur les causes de «l’échec» de Barcelone, un processus, «décidé» par le Nord et n’instaurant pas un partenariat «d’égal à égal».Au sud de la Méditerranée, les innombrables conflits, que Nicolas Sarkozy a énuméré (France-Algérie, Algérie-Maroc, Turquie-Grèce, Serbo-Craoate), à commencer par le principal entre Israéliens et Palestiniens, mettent en péril une structure trop contraignante et formelle.
Nicolas Sarkozy a répété son souhait de voir naître un «Etat palestinien moderne, démocratique et viable, avec la bande de Gaza» tout en réaffirmant son attachement à la «sécurité» d’Israël, à qui il demandera de cesser la colonisation lors de sa visite dans l’Etat hébreu fin juin.
Surtout, le président français a enjoint les pays méditerranéens de rejoindre son Union sans attendre le règlement des conflits. Citant en exemple la réconciliation franco-allemande, il a souligné: «C’est le travail commun qui a créé les conditions de la réconciliation et non l’inverse.»
Du point de vue institutionnel, l’UPM consistera en une coprésidence tournante, avec un chef d’Etat du Sud et l’autre du Nord, ainsi qu’un secrétariat permanent composé à parité de fonctionnaires du Nord et de Sud. Nicolas Sarkozy a beau expliquer que les problèmes de gouvernance ont trop longtemps paralysé le processus Euromed, l’UPM donne déjà lieu à une belle foire d’empoigne. Si la première coprésidence semble promise à l’Egypte et à la France – on n’est jamais mieux servi que par soi-même - Tunis, Rabat et Alger postulent au secrétariat permanent. Paris assure n’avoir aucune préférence mais, étant donné la forte inimitié entre l’Algérie et le Maroc, la Tunisie a toutes les chances d’accueillir le siège. Rabat pourrait hériter du secrétariat général adjoint, laisse entendre l’Elysée.
Au premier rang des projets censés unir les pays méditerranéens, Nicolas Sarkozy a placé le projet de dépolluer la Mare Nostrum. En fait, la Commission européenne et l’ONU lui ont brûlé la politesse en lançant ce grand chantier le mois dernier. Le Président français a énuméré devant les étudiants tunisiens quantité d’autres pistes de travail: la mise en place de l’équivalent méditerranéen d’Euratom, afin de coopérer dans le nucléaire civil; la création d’un conservatoire du littoral; la mise en place d’un Erasmus méditerranéen; la sécurité maritime et la création de liaisons entre les grands ports; la mutualisation des moyens de lutte contre les incendies et marées noires; la création d’un Office méditerranéen de la jeunesse; et, bien sûr, la gestion commune de l’immigration.
En attendant cet horizon lointain, la France ne s’est pas privée de signer avec la Tunisie un accord bilatéral qui prévoit, notamment l’octroi de 9000 visas «professionnels» en échange d’un rapatriement accéléré des sans-papiers tunisiens en France. Soulignant qu’il faudrait créer 40 millions d’emplois, pour seulement maintenir le chômage à son niveau actuel au sud de la Méditerranée, Nicolas Sarkozy a conclu son discours par un vibrant appel aux Européens, qui ne réalisent pour l’instant que 2% de leurs investissements en Méditerranée, à se tourner vers le Sud et pas seulement vers l’Est.
Source Christophe Ayad - Libération.fr - mercredi 30 avril 2008

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