Méditerranée : Les funérailles de Barcelone

« L'essoufflement, pour ne pas dire pis, du processus de Barcelone ». « Echec de Barcelone donc, ou du moins enlisement ». Le constat est sans appel. Il est celui d'Elie Barnavi qui concluait dimanche le Forum de Paris, organisé pour cette édition 2008, sur un thème à la mode depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence : l'Union méditerranéenne.
Euromed agonise. Et sans attendre ses funérailles, la communauté européenne veut lui trouver un successeur que l'on espère plus efficace. Mais avant de l'enterrer définitivement, il serait bon de revenir sur le processus lancé à Barcelone en 1995.

A sa naissance, le partenariat euro-méditerranéen regroupait les membres de l'Union Européenne et douze Etats du Sud et de l'Est de la Méditerranée - Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie, Chypre et Malte aujourd'hui membres à part entière de l'UE.

Objectif : multiplier les rencontres entre tous ces acteurs afin de convenir et d'avancer sur les grands chantiers politique, économique et financier, culturel, social et humain communs aux deux rives de la Méditerranée. Et, in fine, créer une zone de paix et de stabilité fondée sur le respect des droits fondamentaux, former une zone de prospérité partagée et contribuer à une meilleure compréhension mutuelle des peuples de la région.

En 2007, quel bilan en tirer ? A en croire les prestigieux orateurs du Forum le week-end dernier, il est presque nul. « Tout sauf Barcelone », entendait-on même presque dans les couloirs de l'UNESCO.
Bien sûr, le partenariat euro-méditerranéen tel qu'il a été pensé en 1995 a des défauts. Le principal : de ne pas instruire un dialogue entre égaux, ce que veut réparer la future Union. Bien sûr, il n'a pas rempli toutes les attentes qui avaient accompagné son lancement. Mais, dans l'UE, ce genre de constat a posteriori n'est pas rare. Bien sûr, le contexte a changé, les priorités ont évolué et le processus aurait bien besoin de modernisation.

Pourtant, il faut lui reconnaître quelques réussites. Les accords économiques d'association qui ont vu le jour ont permis de développer les échanges entre l'UE et ses voisins méditerranéens. Un bon point pour ces derniers même si, concernant les échanges Sud-Sud, il y a encore fort à faire.

Un peu à la manière de l'OMC, ce renforcement des liens économiques a tout de même permis de dépoussiérer et d'homogénéiser les législations nationales dans les domaines des règles de concurrence, des mouvements de capitaux... Toutefois, l'idée d'une zone de libre-échange à l'horizon 2010 semble définitivement rangée dans les cartons.

Sur le plan diplomatique et politique, les contacts entre voisins se sont multipliés malgré des histoires difficiles et des tensions croissantes alimentées notamment par le regain des extrémismes religieux et communautaires et du terrorisme. Dans ce contexte, on reconnaîtra aisément qu'il ait été laborieux pour ce partenariat de porter des questions sociales voire quasi philosophiques destinées à favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles.

Finalement, Barcelone a peut-être pêché par excès, en ouvrant trop de chantiers à la fois. Et les intellectuels qui étaient rassemblés ce week-end semblent bien moins gourmands. Certains se sont même aventurés à conseiller à la future Union d'abandonner le domaine sécuritaire, de ne pas se montrer trop « expansionniste » et d'adoucir les contours de l'épineuse question des flux migratoires. Bref, de revoir totalement les bases posées par le président Sarkozy.

A Toulon, en pleine campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait été plus prolixe, dressant les quatre piliers de sa construction politique : une stratégie écologique avec, entre autres, une gestion commune de l'eau ; une politique commune de co-développement ; la coopération dans la lutte contre la corruption, le crime organisé et le terrorisme et la création d'un « espace judiciaire commun » ; enfin une politique commune d'immigration choisie. Le candidat à l'Elysée parlait alors d'une « Union de la Méditerranée », ouverte sur tout le bassin et laquelle donnerait toute sa place à la Turquie, pays pour le moins délicat.

Ce week-end, à l'UNESCO, l'intitulé avait changé. Une correction non des moindres. On ne parlait plus d' « Union de la Méditerranée » mais d' « Union pour la Méditerranée » : un changement de déterminant destiné à replacer les acteurs au sein de cette construction économique prioritairement, et à éviter toute paralysie qui serait due à une perception technocratique de la chose ou à trop de formalisme institutionnel.
Le défi est de taille : aller plus loin que Barcelone sans tomber dans les mêmes pièges et refaire les mêmes erreurs. « Il faut tirer les leçons de Barcelone, prendre appui sur ses acquis et aller plus loin », concluait dimanche dernier Elie Barnavi.
Alexandra Voinchet - ACDEFI - 03 avril 2008

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