L’Union pour la Méditerranée a de beaux jours devant elle

La Croix : Le projet de l’Union pour la Méditerranée a suscité maintes controverses. On a même évoqué son abandon. Existe-t-il toujours ?
Alain Le Roy : Le projet n’est pas enterré. Il n’est pas question de le retirer. Il a même de beaux jours devant lui. Il a généré trop d’attentes. Au Maroc, en Algérie, en Tunisie et sur tout le pourtour méditerranéen.
En Grèce, par exemple, aura lieu jeudi 21 février une grande rencontre des entreprises pour commencer à proposer des projets dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Comme à Chypre où je me suis rendu dernièrement.
Avec l’Italie et l’Espagne, la France a lancé le 20 décembre l’Appel de Rome, qui précise bien que « l’Union pour la Méditerranée aura pour vocation à être le cœur et le moteur de la coopération en Méditerranée et pour la Méditerranée ».
Je vais peut-être vous surprendre mais des pays, des sociétés civiles, des entreprises se disent : « Il ne faut pas rater ça ! » Déjà 22 pays sur 25 ont déclaré être « pour ». Nous sommes en attente de la réponse du Liban et de celle de la Syrie. Les autorités turques nous ont récemment déclaré que cela les intéresse.
Dans les 25 pays, il y a trois autres états, le Portugal, la Jordanie et la Mauritanie, non directement riverains mais qui se considèrent comme quasi riverains de la Méditerranée. Il y a donc un vrai intérêt pour le projet.

Même du côté de l’Europe du Nord ?
C’est vrai, il y a des réticences des Européens du Nord, avec au premier plan l’Allemagne. Il nous faut nous rapprocher. Il y a une volonté réelle à Paris et à Berlin en ce sens.
Il y a un peu plus d’un mois, la chancelière allemande, Angela Merkel, ne s’est-elle pas affirmée « très optimiste sur le fait qu’en ce qui concerne les questions où il n’y a peut-être pas 100 % d’accord, comme celle de l’Union méditerranéenne, nous trouvions là aussi une voie commune » ? Il n’a jamais été question que l’Allemagne soit ou se sente exclue de l’Union pour la Méditerranée.
Le premier sommet, qui doit avoir lieu à Paris les 13 et 14 juillet, au début de la présidence française de l’Union européenne, ne peut avoir lieu sans l’Allemagne. Il doit se faire avec tous.

Que reproche l’Allemagne à l’Union pour la Méditerranée ?
L’Allemagne reconnaît, comme nous tous, qu’il y a un grand écart de développement qui ne cesse de s’accroître entre la rive sud et la rive nord de la Méditerranée. Elle sait qu’il y a un très fort déficit d’investissement sur le versant sud de la Méditerranée. Elle reconnaît aussi que le processus de Barcelone, qui existe depuis 1995 comme partenariat euro-méditerranéen regroupant 27 pays du nord, et 10 États du sud et de l’est de la Méditerranée, n’a pu achever nos objectifs communs.
Pour l’Allemagne, il faut que cette nouvelle union soit parfaitement articulée avec les processus européens existants. Nous comprenons cette réflexion. Nous en parlons ensemble, d’autant que nous avons tous le rêve d’une rive sud de la Méditerranée apaisée et développée.
Chacun reconnaît que la Méditerranée n’est pas seulement notre passé. Elle est aussi notre futur. Tout ce qui se passe dans le sud de la Méditerranée nous touche affectivement, les tremblements de terre à Alger comme les terribles incendies de forêts de l’été dernier dans le Péloponnèse.
C’est « mare nostrum » (« notre mer »), y compris pour nos amis allemands qui y ont de très gros intérêts : il y a 3 millions de travailleurs turcs en Allemagne et les accords de coopération de Berlin avec l’Égypte sont de première importance. Il faut donc trouver ensemble la bonne articulation avec les processus européens. Nous allons trouver des solutions.

La présence d’Israël au sein de l’Union pour la Méditerranée n’est-elle pas aussi contestée par une partie des pays arabes ?
Que je sache, Israël est un pays riverain de la Méditerranée, déjà présent au sein du processus de Barcelone, comme l’Autorité palestinienne, et ce depuis plus de douze ans. Israël siège aux côtés du Maroc, de la Syrie, de l’Algérie (deux pays qui n’ont pas reconnu l’État d’Israël), de la Tunisie, de l’Égypte.
Même la Libye a rang d’observateur dans le processus de Barcelone. Je ne vous dis pas que le dialogue y est toujours facile, mais il existe. Il se poursuivra au sein de l’Union pour la Méditerranée.
Sur un sujet comme la dépollution de la Méditerranée qui intéresse tous les pays, pensez-vous qu’il puisse y avoir problème ? Je ne le crois pas. Il y a un intérêt commun vital pour la région, y compris pour le tourisme.

Mais ne faut-il pas que les projets que cette nouvelle Union défendra aient l’aval de tous ?
Ce sont les pays qui eux-mêmes planchent en ce moment, comme nous, sur les projets dont ils vont débattre lors du premier sommet à Paris. Ce qui leur plaît dans cette Union, c’est qu’ils se retrouvent tous, du Nord ou du Sud, sur un pied d’égalité, ce qui est à leurs yeux d’une importance capitale.
Et les projets, accès à l’eau, énergie solaire, par exemple, seront à géométrie variable. À trois, à cinq ou encore à dix ! Dans le domaine de l’énergie, autre exemple, il faudrait terminer le bouclage électrique de la Méditerranée.
Entre l’Europe et le Maghreb, cela va seulement jusqu’à l’est de la Tunisie... L’Égypte travaille en ce moment sur un rêve commun, celui d’autoroutes maritimes en Méditerranée occidentale et orientale : relier Alexandrie au Pirée, à Tanger, à Barcelone, à Marseille. Tout cela aura bien sûr un coût.
Nous avons en projet une agence financière, avec un volet dédié aux PME ainsi qu’un fonds spécial pour les infrastructures. Nous comptons nous appuyer sur la Banque européenne d’investissement (BEI), sur le secteur privé et si possible sur les fonds des pays du Golfe.
Ces derniers ont désiré être observateurs au sein de l’Union pour la Méditerranée...
Par Julia FICATIER - Journal La Croix - 19.02.2008

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