L'industrie agroalimentaire au Maghreb

L’industrie agroalimentaire au Maghreb est confrontée à plusieurs défis majeurs, à la mise en place de la zone de libre échange euro-méditerranéenne, à la libéralisation du commerce international, à la mondialisation, à la croissance de la demande alimentaire et à une urbanisation rapide.

Les pays du Maghreb dépendent des marchés de l’Union européenne pour leurs produits dits méditerranéens à savoir les fruits et légumes, l’huile d’olive, et les vins. Et cela engendre une concurrence accrue entre les pays méditerranéens de l’UE et les pays de l’Est de la Méditerranée.

De plus, la multiplication des cultures sous-serre a tendance à remettre en cause la complémentarité naturelle entre les productions maraîchères de contre-saison du Maghreb et de l’Est de la Méditerranée et les productions méditerranéennes de l’Europe.

Il existe également un compétitivité entre les deux rives que le coût de production tels que: la qualité, la différenciation des produits, la conservation ainsi que la capacité à répondre à l’évolution du marché (rapidité du transport, adaptation de la production en fonction de la demande, modification de la qualité pour répondre à l’évolution des préférences).
Compte tenu de l’importance de ce secteur pour l’exportation, les producteurs du Maghreb devront mettre à niveau leurs outils de production et leurs ressources humaines, s’adapter aux produits de qualités et aux exigences internationales, innover, trouver de nouveaux marchés et être plus compétitifs.

Dépendant largement des aléas climatiques, cette industrie agroalimentaire doit faire face aux mutations et s’orienter de plus en plus vers la transformation, la conservation, et la commercialisation des produits agricoles en direct.

Car l’industrie alimentaire maghrébine doit faire face aussi aux appétits des géants mondiaux du secteurs tels Danone, Nestlé, Unilever qui s’allient ou rachètent les entreprises locales pour s’assurer de la production, de la distribution et de la communication, en imposant un savoir-faire qui à déjà fait ses preuves en d’autres lieux.

Ces groupes apportent de la valeur ajoutée, des produits de qualité, des techniques de commercialisation, et possèdent les pratiques des réseaux de distributions que sont les Carrefour, Auchan ou Géant Casino qui se sont implantés au Maghreb.

Avec la télévision par satellite tous les maghrébins connaissent les produits Danone ou Nestlé, et il est difficile pour les acteurs locaux de résister à une telle concurrence.

Conscientes de ces enjeux les autorités maghrébines ont encouragé des programmes de développement et de privatisation pour relancer ce secteur stratégique et assurer la survie d'une partie des entreprises de ce domaine.

Algérie :

L’agroalimentaire est l’un des secteurs ou l’investissement privé (51% de l’ensemble des investissement en 2000) s’est le plus impliqué, encouragé par l’ouverture à l’économie de marché et un plan national de développement de l’agriculture (PNDA).

Pour relancer cette activité l’Etat a accepté de mettre en concession des terrains pour 99 ans, et espère la mise en valeur de 900 000 ha de terre agricole. Le PNDA lancé en juillet 2000 a contribué à la création de 123 000 emplois.

Le PIB agricole s’est accru de d’environ 16% entraînant la création de plus de 2000 entreprises agricoles et d’une trentaine en agroalimentaire.

Malgré cela, le secteur alimentaire ne parvient pas encore à satisfaire la demande intérieure du fait de l’explosion démographique et de la croissance économique, et est dépendant pour environ 83% des importations.

Le gouvernement algérien a adopté des actions en faveur de la modernisation des exploitations viticoles, et il espère ainsi accroître l’exportation de vin de table, plus rentable et compétitif.

La production algérienne d'agrumes est plutôt faible malgré l’ancienneté des vergers et les rendements sont insuffisants. Un programme national de développement agricole prévoit l'arrachage de 5.000 hectares, la plantation de 25.000 hectares, et le développement de l'irrigation.

Les Algériens sont les plus gros consommateurs de lait du Maghreb, la demande de consommation est deux fois supérieure à l’offre d’où la nécessité d’importation environ plus de 2.200 millions de litres. La consommation de légumes secs par an est également fortement importatrice

L’agroalimentaire publique cède rapidement la place au privé, de nouveaux groupes algériens Cévital, Batouche, Yahiaoui, symbolisent le dynamisme de cette activité, des nouvelles usines se créent, des partenariats se nouent Gefi et Yoplait, Flash Algérie en partenariat avec une firme espagnole pour constituer une usine de confiserie.

L’essor du secteur agricole a entraîné celui de l’industrie agroalimentaire mais pour être compétitif face aux autres pays méditerranéens il faudra attirer des investisseurs étrangers qui pourront apporter leur savoir-faire, leur réseau de distribution, leur connaissance dans la logistique et la transformation des produits.

L’expansion des industries agroalimentaires, fortes consommatrices d’emballages, la qualité du conditionnement et les caractéristiques de conservation deviennent des éléments déterminants dans le choix des consommateurs algériens, offrent des perspectives aux fournisseurs en équipement de matériel pour le conditionnement alimentaire.

Tunisie :
Avec plus de 4700 unités, le secteur agroalimentaire constitue une des composantes essentielles de l’industrie tunisienne (59% des industries agroalimentaires concernent les céréales et dérivés, 32% concernent les huiles).

Le Gouvernement a mis en place, un vaste programme de mise à niveau du secteur agricole et de l’industrie agroalimentaire, la restructuration de l’outil de production, la modernisation des usines de transformation, des normes draconienne de qualité et de sécurité alimentaire, permettant ainsi aux entreprises d’être plus compétitives.

L’avantage comparatif de la Tunisie dans la logistique, la transformation, et la commercialisation ainsi que l’essor qualitatif et l’amélioration de la production a entraîné l’arrivée de nombreux investisseurs privés étrangers (le secteur compte 71 entreprises à participation étrangère dont 10 sont à capitaux 100% étrangers).

En 1999, l’industrie agroalimentaire a occupé la première place en matière d’investissement, suivi du secteur des industries textiles et de l’habillement.

L’accord d’association signé en 1995 entre la Tunisie et l’Union européenne va accroître les échanges et encourager les investissements notamment dans le conditionnement, la transformation, et la préparation de plats cuisinés.

L'industrie de la pêche tunisienne et l’aquaculture présentent de nombreuses opportunités notamment dans des unités de congélation pour pouvoir stocker le poisson et de transformation du poisson, la demande en biens d'équipements à destination de la filière pêche devrait s'accroître. Le littoral renferme des richesses poissonnières exceptionnelles en Méditerranée, dont une large part est inexploitée, au niveau de la côte Nord.
Le Gouvernement tunisien a fait de l’agriculture biologique un des axes majeurs du développement du secteur pour les années a venir: les superficies en produits biologiques ont atteint 16.900 hectares en 2001 contre 8.900 hectares en 2000. 12.500 hectares concernent la production d'olives, 260 hectares la production de dattes. Le Groupe Horchani Dattes s’est fait connaître sur les marchés européens pour la qualité des produits bio.

Les exportations agroalimentaires ont atteint 480 millions d'euros, les importations 350 millions d'euros. L'huile d'olive représente 63% des exportations totales.

Les exportations tunisiennes de dattes en 2000-2001 ont atteint 36.000 tonnes, contre 27.000 tonnes pour la saison précédente. La performance est due à une meilleure sélection des variétés, parmi lesquelles la Deglet Nour, et à des actions de promotion efficaces, 81% des exportations ont concerné les pays de l'Union européenne.

Maroc :
L’industrie agroalimentaire marocaine est confrontée aux même défis que l’industrie tunisienne, effort de mise à niveau et implantation de démarche qualité pour conquérir de nouveaux marchés, aux mutations socio-économiques, à l'importance de la part de ce marché à l'exportation (23.5% des exportations totales).

35% du tissu industriel est composé par l'industrie agroalimentaire, c’est un secteur en mutation qui cherche ses marques, il a certes beaucoup à gagner avec l’accord d’association qui lie le Maroc et l’Union européenne mais il gagnera encore plus à améliorer sa compétitivité.

Le gouvernement marocain encourage l’exportation vers de nouvelles régions aux potentialités croissantes tels l'Europe de l'Est, l'Asie et quelques pays arabes, et a mis en place des mesures pour assister les entreprises en matière de qualité et améliorer leur productivité, avec la création d’un centre technique pour l’industrie agroalimentaire.

Les autorités marocaines ont décidé d’améliorer la qualité du lait et libéraliser le marché de promouvoir un cheptel de qualité et encourager l'innovation en abaissant les droits de douane sur les importations d'équipement pour les laiteries.

L’industrie agroalimentaire comptait à fin 2000 près de 1.700 établissements, soit un quart des unités industrielles nationales, représentant 35% du total du secteur industriel.

Pour préserver ses parts de marchés, l’industrie agroalimentaire marocaine a beaucoup investit dans la qualité répondant ainsi aux exigences internationales. Le secteur a exporté pour 8,3 milliards de DH dont l'essentiel concerne les conserves de fruits, légumes et poissons.

Comme dans les autres pays du Maghreb c’est un secteur qui connaît une croissance soutenue et présente des perspectives de développement et d’opportunités d’investissement très importantes, notamment au niveau de la transformation pour les produits agricole et halieutiques.

L’industrie agroalimentaire marocaine s’est diversifié vers les surgelés, en devenant rapidement un des leaders de la fraise et de l’abricot sur le marché européen pour la pâtisserie et les laitages. Mais le coût de l’énergie ne permet pas à l’heure actuelle de développer ce secteur aux opportunités réelles.

Les consommateurs occidentaux ont pris conscience de la nécessité d'un retour à la nature et de consommer sain d’où l’essor de la production bio et l’encouragement aux investissements, car les coûts de revient sont faibles. Certaines filières se sont facilement reconverties, comme la culture de légumes, d’agrumes et de céréales.

La culture bio nécessite un savoir-faire et des techniques particuliers qui font encore défaut au Maroc d’ou l’appel aux partenariats étrangers.

L’industrie agroalimentaire marocaine se tourne également vers de nouvelles filières telles que les plantes aromatisées et les pépinières.

En mon sens les nouvelles orientations pour l’industrie agroalimentaire au Maghreb sont :

- Développer les moyens d’information pour avoir une meilleure connaissance des marchés
agroalimentaires, pour répondre aux tendances de la consommation alimentaire , identifier les
attentes en produit de qualité des utilisateurs.
- L’Europe doit aider les pays du Maghreb à diversifier leurs exportations et donc à trouver
d’autres débouchés hors Europe?
- Faire appel et être accompagner par des experts du commerce international dans l’exploration
des nouveaux marchés.
- Favoriser le développement de la main-d’œuvre, de sa formation et son adaptation aux
mutations technologiques, professionnaliser le secteur.
- Améliorer les procédés de conditionnement, la chaîne du froid pour orienter leurs exportations
vers des débouchés où la demande est la plus forte comme par exemple les produits à forte
technologie ajoutée (les produits frais, ou surgelés).
- Développer la recherche agroalimentaire, la sécurité des aliments, la gestion des risques
sanitaires, harmoniser les normes.


Article est paru en 2001 dans la revue Classe Export.

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