Les réactions à l'Union méditerranéenne

Sommet franco-allemand : l'Union méditerranéenne critiquée par Berlin
Nicolas Sarkozy a reçu la chancelière allemande, jeudi 6 décembre à l'Elysée, à l'occasion du 32e sommet franco-allemand. Les dirigeants ont abordé la question du projet d'Union méditerranéenne (UM) porté par le Président français depuis plusieurs mois. Angela Merkel n'a pas dissimulé ses réserves sur l'idée d'une Union méditerranéenne.
Nicolas Sarkozy a proposé, en mai 2007, un projet d'union des pays du pourtour de la Méditerranée. Ce projet d'Union méditerranéenne suscite des réactions mitigées de la part de certains pays européens et non européens.
D'après les précisions apportées, l'Union méditerranéenne concernerait "tous les pays voisins de la Méditerranée" pour "faire de la Méditerranée un espace de coopération et de solidarité", organisé autour de projets concrets.Le projet fait craindre que la nouvelle union puisse faire double emploi avec la politique européenne déjà existante envers la Méditerranée, le processus de Barcelone, qui existe depuis 1995. Toutefois, la nouvelle organisation devrait être "complémentaire" au partenariat euro méditerranéen actuel qui après plus de dix ans d'existence n'a pas atteint les objectifs fixés. Jean-Pierre Jouyet a précisé que l'UM avait vocation à "enrichir" le processus de Barcelone.
En visite officielle en Algérie, mercredi 5 décembre, Nicolas Sarkozy a proposé de bâtir une Union méditerranéenne fondée sur "l'amitié franco-algérienne", tout "comme la France offrit jadis à l'Allemagne de construire l'Union de l'Europe" a déclaré le Président. Cette Union, "un défi" selon le Président, a déjà été proposée au Maroc et la Tunisie qui l'ont accueillie favorablement.

Le 32e sommet franco-allemand, qui s'est tenu jeudi 6 décembre 2007 à Paris, a permis de clarifier la position de l'Allemagne sur l'idée d'une Union méditerranéenne. "Il faut que la rive nord et la rive sud de la méditerranée apprennent à travailler ensemble pour porter un projet d'union" a déclaré le Président.
L'Allemagne craint que l'Union méditerranéenne ne comporte des risques de division entre les pays européens. Ne voulant pas se contenter d'un rôle d'observateur au sein de la future union, l'Allemagne soutient le projet français mais souhaite que tous les pays européens puissent participer, et non pas seulement les pays voisins de la méditerranée.
Angela Merkel a expliqué que "si à côté de l'Union européenne, les pays riverains de la méditerranée devaient constituer une deuxième union totalement distincte [...] alors cela [risque] d'être un épreuve dure pour l'Europe". La chancelière allemande a conclut en accordant un soutien aux "efforts d'initiative française" mais à la condition d'"une offre à tous les autres Etats européens".
"Il ne s'agit pas dans mon esprit de faire une deuxième Europe" a rassuré Nicolas Sarkozy. "Ma seule préoccupation est qu'on aboutisse à un système où il y ait tellement de gens que cela n'empêche pas d'avancer", a conclut le Président.
La chancelière allemande n'a pas caché son scepticisme, mais à l'issue de la rencontre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont affiché un accord poli. "Nous avons convenu que, par l'intermédiaire de nos sherpas [conseillers diplomatiques], nous allons travailler pour une proposition commune visant à associer tous les Européens qui le voudraient au projet d'Union de la Méditerranée" a annoncé le Président français lors de la conférence de presse à l'Elysée.

L'Espagne veut soutenir l'Union méditerranéenne prônée par Sarkozy
Dans un entretien au Quotidien d'Oran, le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos afffirme que l'Espagne est prête à soutenir le projet d'Union méditerranéenne du président français Nicolas Sarkozy.

Ces propos sont prononcés alors même que le Maroc et l'Espagne s'affrontent actuellement sur le plan diplomatique au sujet de l'épineux dossier du Sahara Occidental. Le Maroc a par ailleurs décidé, vendredi, de rappeler son ambassadeur à Madrid pour consultation à la suite de l'annonce de la visite du roi d'Espagne Juan Carlos à Ceuta et Mellila, deux enclaves espagnoles situées dans le nord du Maroc.

"Nous sommes prêts à travailler pour donner une nouvelle impulsion (aux relations entre l'Europe et les pays du sud de la Méditerranée), à travers l'initiative de l'Union méditerranéenne du président français", Nicolas Sarkozy, a déclaré M. Moratinos.
"Le temps est venu pour aller vers un "Barcelone plus" et de mettre en place un tas d'institutions pour que cela marche de façon plus systématique, et pour refléter davantage le partenariat. Il faut aller vers plus d'institutions communes, des projets et des engagements communs. C'est dans cet esprit que se situe l'initiative du président Sarkozy", a-t-il précisé.
« Le pourtour méditerranéen doit avoir une priorité dans la stratégie de l'Espagne et de l'Union européenne. Ce qui manque depuis de longues années, c'est un engagement stratégique de l'UE vis-à-vis de sa frontière sud", a-t-il poursuivi.
"Il faut un espace régional plus méditerranéen. Nous saluons la proposition française. Nous avons déjà parlé avec nos amis français qui sont tout à fait d'accord pour mener des projets stratégiques concrets, comme la sécurité, l'immigration, l'environnement, la culture, le dialogue des civilisations. Cela a beaucoup avancé. Tous ces sujets sont importants", a dit le ministre espagnol.
Pour rappel, le "processus de Barcelone" avait été lancé lors d'un sommet en 2005 avec pour ambition la promotion d'une stratégie de coopération avec le Sud semblable à celle mise en oeuvre avec les pays de l'Est européen après la chute du mur de Berlin, mais les partenaires méditerranéens de l'UE ont exprimé à plusieurs reprises leur "insatisfaction" concernant les résultats de cette politique.

L'Union méditerranéenne est un des projets phares en politique extérieure du nouveau président français qui devrait reposer sur quatre thèmes fédérateurs : l'environnement, le dialogue des cultures, la croissance économique et la sécurité. Henri Guaino, conseiller spécial du président et initiateur de ce projet, a été chargé de le piloter avec l'aide d'un diplomate, Alain Le Roy. Nicolas Sarkozy l'a exposé fin octobre au Maroc et doit l'exposer prochainement en Algérie et en Tunisie à l'occasion de visites d'Etat dans ces deux pays.

Le Président français souhaite que l'UM se développe, dans un premier temps, autour de thèmes consensuels, sur le modèle de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). L'objectif de l'Elysée est de donner le coup d'envoi de cette Union méditerranéenne en juin 2008, à Paris ou à Marseille, en réunissant les chefs d'Etats qui auront répondu à son appel.

Dans son allocution du 25 octobre 2007, le président Ben Ali a réitéré pour sa part le soutien de la Tunisie à la création d'une Union Méditerranéenne et sa disposition à contribuer à en définir les contours et les objectifs. Il a également déclaré que la Tunisie s’apprête à faire partie, début 2008, de la zone de libre-échange avec l'Union européenne. La mise en place d’une zone de libre-échange pour les produits manufacturés devrait avoir lieu selon lui conformément à l’échéancier prévu par l’Accord d’association avec l’Union européenne.

Mais tous le sujets sont loin de faire l 'unanimité de part et d'autre de la Méditerranée. Ainsi M. Moratinos a par ailleurs souligné que "le temps est venu pour que les efforts (du Maroc et du Front Polisario), sous les auspices de l'ONU, débouchent sur des résultats" pour une solution du conflit du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole annexée en 1975 par Rabat et dont le Polisario, soutenu par Alger, réclame l'indépendance.

"Nous ne pourrons plus continuer à rester inertes devant une situation de blocage au sein du Maghreb. La solution du problème du Sahara occidental ne doit pas être ajournée d'une façon éternelle et ne doit pas arrêter l'intégration maghrébine", a-t-il dit.

"Le Maroc a décidé de rappeler son ambassadeur à Madrid. Il s'agit d'un acte fort après que nous eûmes exprimé notre rejet de cette visite", a affirmé quant à lui vendredi le porte-parole du gouvernement marocain Khalid Naciri. Ce rappel pour une durée indéterminée est consécutif à "l'annonce officielle vendredi de la visite regrettable de sa majesté le roi Juan Carlos, les 5 et 6 novembre dans les deux villes occupées de Sebta (Ceuta en arabe) et Mellila", a précisé de son côté le ministère marocain des Affaires étrangères, dans un communiqué. C'est le roi Mohammed VI en personne qui "a décidé de rappeler Omar Azziman, ambassadeur de sa majesté le roi en Espagne, pour une période indéterminée", a souligné le ministère.
Pour M. Naciri "cette visite est regrettable, inappropriée et inopportune et elle ne s'inscrit pas dans l'excellence des relations entre les deux pays". Madrid a confirmé vendredi une visite du roi d'Espagne lundi et mardi dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla en dépit de la protestation de Rabat. Jeudi, le gouvernement marocain avait exprimé "son vif rejet et sa nette réprobation" de la visite que le roi d'Espagne Juan Carlos entreprend lundi dans les "villes marocaines spoliées" de Ceuta et Melilla. C'est la première visite officielle du roi Juan Carlos dans ces deux villes depuis son accession au trône en 1975.

Il s'agit d'une "provocation, les deux villes sont historiquement marocaines", a déclaré Abdelilah Benkirane, un des dirigeants du parti islamiste Justice et développement (PJD) lors d'une émission de la chaîne de télévision Al Jazeera captée dans la nuit de vendredi à samedi à Rabat. M. Benkirane, membre de la commission parlementaire des Affaires étrangères a en outre indiqué à Al Jazeera que le Maroc a le droit, en cas de besoin, de "recourir notamment à l'ONU et à la Cour internationale de justice (CIJ) pour récupérer les deux villes occupées".

« Pourquoi pas une autre +marche verte+" vers ces deux dernières, a-t-il ajouté, en faisant allusion à une marche organisée en 1975 par le roi défunt Hassan II vers le Sahara occidental et à laquelle avaient participé 350.000 Marocains. "Il faut être aveugle pour croire que Sebta (nom arabe de Ceuta) et Melilla ne sont pas marocaines", a jouté le responsable islamiste.

« La visite du président français Nicolas Sarkozy au Maroc a peut-être dérangé les intérêts espagnols dans notre pays où des contrats avec la France ont été conclus a-t-il encore argumenté. Benkirane a toutefois relativisé l'impact négatif de la visite de Juan Carlos sur les relations de son pays avec l'Espagne. "Je ne pense pas que cette visite puisse conduire à une grave crise politique entre les deux pays".

Le président d'une association de ressortissants marocains établis à Ceuta, Mohamed Ali, a estimé sur Al Jazeera que la programmation de cette visite faisait "partie d'un calcul politique interne en Espagne". "Les socialistes du PSOE et le Parti populaire de droite sont déjà en compétition (à travers ce voyage du roi) pour gagner des voix" en vue des élections législatives de 2008, a-t-il affirmé.
Sources : AFP, Le Monde

Aucun commentaire: