Euromed une zone de prospérité partagée ?

La mondialisation et la régionalisation étant devenues les caractéristiques indispensables de l’économie mondiale, la constitution de zones économiques régionales, dans un contexte d’interdépendance croissante, s’avère impérative.

D’où la volonté de l’Union européenne et des pays tiers méditerranéens de créer une zone de paix, de stabilité, et de construire un espace de prospérité partagée par l'instauration progressive et régulée du libre-échange.

Le développement économique constitue la base de cette stabilité. A cette fin, l’Union propose la mise en place, à l’horizon 2010, d’une zone de libre-échange entre l’Europe et chacun des pays tiers méditerranéens, mais aussi entre ces pays.

La Conférence de Barcelone, les 27 et 28 novembre 1995, a solennisé l’instauration de ce partenariat.
Afin d’atteindre les objectifs assignés, un certain nombre de conditions doivent être réunies et satisfaites :

· La réduction des barrières tarifaires
· Pour attirer les investisseurs et compenser les pertes dues aux démantèlements tarifaires, il
faut une stabilité économique, une réforme du cadre juridique, et une réduction de la dette
extérieure
· Afin de créer de nouveaux emplois et surseoir aux flux migratoires, un politique sociale devra
être mise en œuvre avec de programmes de formation, amélioration du système éducatif, de la
santé..

La démarche proposée par l’Union est réellement novatrice. En rétablissant la symétrie dans le libre-échange pour les produits industriels, elle place les pays méditerranéens en position de partenaires économiques à part entière et attribue pleinement au marché le rôle de stimulant du développement.

De ce fait, elle diminue ainsi la dimension d’assistance dans ses relations avec les pays méditerranéens, et elle les incite au travers de :

· L’amélioration des systèmes de certification, leur reconnaissance et harmonisation
· L’adoption des règles d’origine pour la coopération douanière
· L’harmonisation des législations avec les règles et pratiques européennes
· L’adoption des normes optimales de protection de la propriété intellectuelle ;
· L’adoption des règles de concurrence analogues ;
· La poursuite et le développement des politiques basées sur l’économie de marché et
l’intégration des économies des pays de la région ;
· L’ajustement et ma modernisation des structures économiques et sociales ainsi que le
développement du secteur privé et de la politique sociale conséquente et adéquate ;
· La promotion des mécanismes favorables aux transferts technologiques…

et d’actions de coopération, au libre-échange entre eux, mais aussi avec les PECO.

Cette transition de l’aide au partenariat est la volonté de mettre en œuvre une politique plus audacieuse, à même de répondre aux défis auxquels devraient faire face les pays méditerranéens et de bâtir avec eux une communauté de destin viable.

La coopération classique s’avérant insuffisante, plusieurs innovations ont été apportées, notamment le renforcement des éléments de conditionnalité de l’assistance financière (programme MEDA) en liant une partie des aides au rythme d’avancée des réformes.

La réussite du processus suppose néanmoins de réunir plusieurs conditions.
En premier lieu, cette réussite dépend de la qualité des politiques d’accompagnement qui seront mises en oeuvre par les autorités des pays concernés, essentiellement de leur capacité à accélérer le rythme des réformes.

Elle dépend en second lieu de l’accroissement significatif du flux des investissements directs étrangers qui viendront dynamiser l’appareil productif et rééquilibrer la balance courante de ces pays.

Mais douze ans après que reste t-il de ce bel enthousiasme ?

Force est de constater aujourd’hui que le processus de Barcelone est plus ou moins dans une impasse, qu’il soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses, aucune vision stratégique ne se dégage qui pourrait ouvrir la voie vers cette réelle coopération entre les deux rives qui était envisagé.

Les citoyens des deux rives n'ont point été associé à cette belle initiative. L'événement est resté confiné auprès de quelques spécialistes, industriels, consultants, milieu associatif....

Alors pourquoi cette stagnation ?

Il existe à l’heure actuelle plusieurs handicaps et entraves :

· L'extrême complexité de sa mise en œuvre de ce partenariat qui concerne plusieurs Etats et leurs sociétés civiles.

· Le manque de détermination politique forte et un environnement régional en proie au doute après l’attentat du 11 septembre 2001 et vraiment pacifié, à celà s'ajoute la gestion des flux migratoires, le chomage des jeunes, la lutte contre le terrorisme et d'autres problèmes sous adjcents.

· Du côté européen, les erreurs d’appréciation et de comportement ont aussi été lourdes. La lenteur des ratifications par les parlements nationaux des quinze a été mal perçue par les partenaires méditerranéens. C’est la crédibilité même de la démarche européenne qui a été remise en cause.

· La perspective de l’élargissement à de nouveaux Etats membres va signifier davantage de compétition, d’arbitrages, de défense d’intérêts nationaux conflictuels, et la situation économique de certains Etats membres ne plaident pas vraiment pour une intensification du processus.

· Quant aux moyens financiers, le principe du partenariat repose essentiellement sur la mobilisation des financements compensatoires du programme MEDA et sur la logique de l'investissement direct des entreprises étrangères.

· Or, la difficulté de mise en œuvre des instruments économiques et financiers affectés à cette politique illustre les dysfonctionnements de certaines procédures communautaires qui, lorsqu’il s’agit de conduire des actions extérieures. Ainsi, une décision de financement dans le cadre de MEDA doit-elle satisfaire à plusieurs obligations administratives différentes, vérifiées une à une.

· L'accord Euromed passe quasiment sous silence le secteur de l'agriculture (l’exclusion de ce volet agricole et le refus de remettre en cause les objectifs de la politique agricole commune où les subventions des productions européennes pénalisent les productions vitales des pays méditerranéens), le développement des échanges sud-sud, l'état des dettes extérieures des pays du Sud.

· L'évolution des investissements directs et le flux des partenariats européens au Sud reste très en dessous du niveau attendu, et la coopération financière n’a pas touché les domaines essentiels à la croissance économique qui est celui de l’industrie.

· L’importance donnée au secteur de l’énergie est beaucoup plus favorable aux pays européens dont l’objectif est le renforcement de la politique énergétique de l’Union européenne.

· La faiblesse de la coopération technique et scientifique touchant principalement le transfert de technologie, la maîtrise des procédés de fabrications et sans aides techniques aux PME méditerranéennes il ne peut y avoir évolution.

En la matière, la vraie question est : pourquoi cette région est-elle moins attrayante que d'autres régions du monde qui ne sont pas mieux dotées en hommes ou en ressources naturelles ?

De multiples facteurs concourent à façonner un climat économique. Parmi elles, le poids de l'économie administrée, les lourdeurs bureaucratiques, l'insécurité des réglementations pour les opérateurs économiques, la taille et le poids des marchés, la situation géopolitique sont dénoncées.

Le plus souvent avec raison mais à t-on le droit de nier la volonté de pays tels que la Tunisie, le Maroc (qui ont lancé un grand programme de mise à niveau de leurs entreprises, restructuré le secteur bancaire, procédé à des privatisations, mis en place de politique de formation et d’éducation…) de l'Egypte, de la Jordanie qui ont déployé de réels efforts tant humains qu’organisationnel pour répondre à toutes ces critiques.

Alors la formule consacrée du processus de Barcelone "créer une zone de prospérité partagée" recouvre t-elle de la naïveté ou au pire de la tromperie ?

Je pense sincèrement que non, la complémentarité entre les économies des deux rives de la Méditerranée est-elle, qu’elle doit permettre aux pays méditerranéens en général et aux pays maghrébins en particulier d’amorcer un véritable décollage économique si le nouveau cadre de coopération qui a été revu lors des dernières Conférences de Marseille, Valence, Lisbonne consent un véritable transfert de technologie et des connaissances, l’afflux des investissements directs étrangers, et une aide financière mieux appropriée.

Les objectifs de Barcelone demeurent pertinents et doivent être redéfinis dans le cadre d’un partenariat mieux équilibré entre le Nord et le Sud, mais aussi dans le sens d’une nouvelle dynamique Sud-Sud, pour tenir compte de la nécessité d’un véritable co-développement.

Toute coopération a besoin de proximités humaines tout autant que géographiques.
Article paru dans la revue Classe Export en 2001

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